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Europe : Logos ou Polemmos

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EUROPE : LOGOS OU POLEMOS ?


HISTOIRE

EUROPE : LOGOS OU POLEMOS ?


Présentation


Dans ce nouvel article, suspendons nos réflexions philosophiques pour nous pencher sur l’histoire de l’Europe. Pourquoi ? Parce que les dernières élections européennes ont à nouveau laissé apparaître une défiance accrue des peuples européens envers une institution qui, pourtant, cherche à les unir. L’Europe est malmenée, parfois même traînée aux gémonies, par beaucoup trop de gens qui oublient ce qu’elle était avant que ses ”Pères” (Robert Schuman, Jean Monet entre autres) n’œuvrent afin de mettre un terme à ses divisions. Désunie, l’Europe a toujours été un champ de bataille jusqu’à ce que la deuxième guerre mondiale ne l‘enfouisse dans les abysses de la barbarie. Demandons-nous, alors, pourquoi nous avons la chance de vivre en paix ; la chance de vivre LIBRE. Oui, gardons en mémoire ce qu’était l’Europe d’autrefois et remercions l’histoire de pouvoir vivre dans celle d’aujourd’hui. Car, qu’était-elle lorsque les monarchies s’entredéchiraient pour quelques arpents de terre ou quelques onces de pouvoir ? Qu’était-elle sous la dictature d’un Mussolini ou d’un Hitler ? Finalement, l’Europe est en danger parce qu’elle a peur de son avenir d’où, d’ailleurs, le repliement des peuples sur eux-mêmes. D’où la résurgence des nationalismes auxquels l’Europe doit tant de malheurs.


Dans ce premier article, (un deuxième, dédié à la construction européenne lui succédera), je propose un rapide survol de l’histoire européenne s’étendant de la fin du Vème siècle à la fin de la deuxième guerre mondiale. Bien évidemment, je ne peux prétendre à l’exhaustivité en raison de la complexité du sujet et de la somme des données qui lui est afférente. Conséquemment, j’ai délibérément choisi de taire les évènements qui, à mes yeux, n’éclairaient pas suffisamment mon objectif : montrer ce qu’était une Europe uniquement mue par la discorde et les rivalités. Inversement, je me suis longuement attardé sur les deux terribles guerres mondiales qui ont ramené le XXème siècle à des époques durant lesquelles la vie humaine n’avait aucun prix. Pour finir, je souhaite que cet article suscite une réflexion sur ”l’humaine condition” (Montaigne) ou, encore, sur la quatrième question kantienne : Qu’est-ce que l’homme ? Finalement, il s’agit de mieux connaître notre passé afin de mieux comprendre ce que nous sommes aujourd’hui.


Précisions lexicales


Logos : ”Dans le grec classique, logos signifie une parole ou la parole, et tout rôle qu’elle assume profane ou sacrée” (Encyclopédie Universalis). Ainsi défini, le terme ”logos” semble relativement simple à comprendre. Toutefois, et au fil des siècles, ce concept fondamental de la langue philosophique a été doté d’acceptions parfois fort différentes. (A ce propos, je recommande de consulter mon article : Grandeur et décadence du logos dans la philosophie antique) Initialement apparu dans des fragments d’Héraclite (env. 576-480 av. J.C.), ce terme n’a pas bénéficié d’une grande clarté. Que l’on en juge : ”Ce mot (logos), les hommes ne le comprennent jamais, aussi bien avant d’en avoir entendu parler qu’après” (Frag. 1). Ou, encore : ”Aussi faut-il suivre le logos commun ; mais, bien qu’il appartienne à tous, le vulgaire n’en vit pas moins comme si chacun avait une intelligence particulière” (Frag. 2). Une lecture trop rapide de ces deux fragments pourrait nous suggérer qu’ils expriment la parole du seul Héraclite. Toutefois, et c’est bien là la difficulté, le philosophe ne se borne pas à nous transmettre sa pensée propre (il ne s’agirait alors que d’une opinion « doxa ») mais s’efforce de relater un ordre de réalité à la fois caché et transcendant. Ici, le logos établit une sorte de passerelle entre le cosmos (siège omnipotent du divin) et le monde des hommes englués dans leur finitude. L’ambiguïté même de ce terme héraclitéen me contraint donc à préciser le sens que je vais lui prêter au sein de cet article dédié à l’Europe. Aussi, et en plein accord avec Gérard Mairet, le terme « logos » va désigner ”l’idée européenne” telle qu’elle émergea dès le VIIIème siècle au lendemain des conquêtes de Charlemagne. 


Polémos : Dans son fragment No 53, Héraclite nous dit que ”Le combat (la guerre ou polemos) est le père de toutes choses et le roi de toutes choses (...)” Ici encore, les choses ne sont pas aussi simples car Héraclite n’était pas Hérodote et encore moins Clausewitz (théoricien militaire prussien auteur, entre autres, d’un ouvrage fondamental : De la guerre)” La guerre dont nous parle Héraclite ne se résume pas à la définition proposée par Clausewitz : ”La guerre est un acte de violence dont l’objectif est de contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté”. En effet, si la notion de conflit est bien présente dans le fragment d’Héraclite, elle s’inscrit plus largement dans la pensée grecque de l’époque : tout est régi par la dualité et le contradictoire. Voici un exemple (fragment No 17 d’Empédocle : philosophe présocratique du Ve siècle av. J.C.) : ”Et ce changement perpétuel est sans fin ; tantôt c’est l’amitié qui rassemble tout jusqu’à l’Un, tantôt au contraire tout est séparé et entraîné par la haine”. La guerre héraclitéenne s’inscrit donc dans ce contexte philosophique et cela nous interdit, pour nous modernes, de la considérer telle que nous nous la représentons aujourd’hui. Pour Héraclite, en effet, elle est avant tout un processus dont certaines phases sont, certes, destructrices mais d’autres sont génératrices d’une harmonie tant recherchée par les Grecs. Par conséquent, et si l’on souhaite encore suivre Gérard Mairet (”L’Europe, en tant que monde, est héraclitéenne. Logos et polemos sont les deux coordonnées de cette étendue nommée Europe”), nous allons donc devoir trahir Héraclite en prêtant au polemos une acception usurpée. Ainsi, et sous le couvert de polemos, nous n’évoquerons que les guerres qui ont opposé les nations européennes et, par voie de conséquence, les peuples de ce continent.


§§§


Première partie : APERCUS HISTORIQUES


"L’Europe, en tant que monde, est héraclitéenne. Logos et polemos
sont les deux coordonnées de cette étendue nommée Europe
".
(Gérard Mairet : avant-propos du contrat social de Rousseau.)

Europe de Vème siècle.

1- ”Aussi longtemps, déclara Jean Monet, que l’Europe restera morcelée, elle restera faible, et sera une source de conflit (...)” (Déclaration du 30 avril 1952 devant le « National Press Club »). De fait, il suffit d’un rapide aperçu historique pour cautionner, et sans aucune ambiguïté, la déclaration de Jean Monet. En effet, et dès le VIIIe siècle, l’Europe a souffert de son morcellement en entités rivales et, souvent, belliqueuses (pour cette époque, le recours au terme ”nation” serait un anachronisme). Toutefois, remarquons que ”l’idée européenne” (logos) ou, si l’on préfère, le désir latent d’unification de ce continent, n’a cessé d’animer l’action militaro-politique de certains conquérants qui se sont distingués durant de nombreux siècles. Toutefois, et indépendamment de ces volontés que l’on pourrait qualifier ”d’hégémoniques”, ce sont les conquêtes arabes survenues au début du VIIe siècle qui ont fait ressurgir le terme ”Europe” et qui, surtout, pour la première fois, lui ont donné un sens politique. (c’est en 711 que les Arabes franchissent les ”colonnes d’Hercule”, - devenues ”Gibraltar” par la suite -, envahissent l’Espagne et enjambent les Pyrénées avant d’être stoppés en 732 par Charles Martel). C’est ainsi que, tout en ayant défait celle des Arabes, l’armée de Charles Martel (qualifiée en 769 ”d’européenne” par l’Espagnol Isidore le Jeune), a jeté les bases d’un sentiment européen issu, il est vrai, de la lutte contre les envahisseurs Arabes. Ce qu’il faut bien comprendre ici c’est que cette lutte a été celle des chrétiens contre les musulmans et qu’elle a suscité une nouvelle solidarité notamment dans les pays où elle est survenue : l’Espagne, la Gaule franque et l’Italie du Sud. (Les siècles suivants ont entérinés ce prélude avec, notamment, les diverses croisades).


2- Un peu plus tard, le Carolingien Charlemagne (742-814) va sensiblement élargir le champ géographique de cette Europe embryonnaire. En effet, et à la suite de conquêtes parfois difficiles, ce nouveau monarque a tenté de reconstituer un nouvel Empire d’Occident sur les ruines de l’Empire romain d’Occident détruit en 476. (C’est en 476 que le ”barbare” Odoacre déposa le dernier Empereur de l’Empire romain d’Occident : Romulus. Conséquemment, cet Empire qui n’existait déjà plus en fait, cessa d’exister en droit). Avec Charlemagne, la notion d’Europe s’identifie donc à l’idée d’une nouvelle Rome en vue de rétablir les valeurs Gréco-Romaines sous le couvert, ne l’oublions pas, d’un christianisme triomphant (c’est en 392 que l’empereur romain Théodose 1er publia un décret par lequel le christianisme devint l’unique religion licite de l’Empire romain interdisant ainsi la totalité des cultes païens). Dès lors, l’histoire de l’Europe sera étroitement liée avec celle de la papauté jusqu’à ce que survienne la grande fracture du XVIe siècle (la Réforme) qui donna naissance au protestantisme. (C’est le 31 octobre 1517 que Luther fit afficher à Wittenberg ses 95 thèses contre les ”indulgences” pratiquées par l’Eglise).


3- Indépendamment de ce séisme survenu au sein de la chrétienté, une question cruciale a émergé : qui va gouverner la chrétienté (donc, l’Europe au premier chef) ? Le pape ou l’empereur ? Dès le pontificat de Grégoire VII (1073-1085), l’Europe va être le cadre de conflits qui vont durer plusieurs siècles. (Survenue entre 1075 et 1122, la ”querelle des investitures” illustre parfaitement cette rivalité. Ce conflit opposa le pape et l’empereur à propos de l’investiture accordée aux évêques par les autorités laïques). En effet, deux camps vont s’affronter : celui du sacerdotium (partisans d’une souveraineté papale supérieure à celle des empereurs ou autres princes) et celui du regnum (partisans de la souveraineté impériale dans le domaine temporel). Pour note, la France devra attendre la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation de l’Eglise et de l’Etat, pour mettre un terme à ce conflit.


4- A son apogée, l’empire de Charlemagne comprend la Gaule, l’Espagne non musulmane, les Pays-Bas, la Germanie et l’Italie où Charlemagne triompha des Lombards. Remarquons que cet ensemble de territoires correspond en grande partie aux pays constitutifs du marché commun institué à Rome en 1957. Bien évidemment, la comparaison s’arrête là. En effet, si le marché commun a été institué essentiellement pour des raisons économiques, l’Empire de Charlemagne le fut uniquement pour des raisons politiques auxquelles il convient d’ajouter le souci d’unifier l’Europe sous la bannière de la chrétienté. Ici, une importante remarque s’impose : s’il est fréquent pour certains contempteurs de l’Europe de lui reprocher, (souvent avec raison, reconnaissons-le), la primauté accordée à l’économie au détriment du politique, il en fut tout autrement à l’époque de Charlemagne comme, d’ailleurs, durant les siècles suivants. Notons également que si l’économie a toujours fait antichambre du politique, elle n’est devenue véritablement hégémonique que depuis une période relativement récente : celle durant laquelle triompha le capitalisme (système économique né en Grande Bretagne durant le XVIII siècle). Aussi, et bien que les arrières pensés économiques ne furent pas totalement absentes, la préoccupation majeure de Charlemagne s’inscrivit dans une double perspective que l’on peut qualifier d’impérialiste : étendre le plus possible son territoire, tout en n’hésitant pas, pour y parvenir, à recourir à la guerre (Polemos) et promouvoir les principes théologico-politiques de la chrétienté.

5- Seulement, et à l’instar de l’Empire du Macédonien Alexandre le Grand qui se disloqua au lendemain de sa disparition (en 323 av. J.C.), l’Empire de Charlemagne ne lui survécut guère (décédé le 28 janvier 814, il fut inhumé dans la chapelle palatine d’Aix). Parmi les nombreuses causes susceptibles d’expliquer cette ruine (et celle de ”l’idée européenne”), certaines se distinguèrent particulièrement. Tout d’abord, l’étendue déraisonnable de l’Empire aggravée par les défaillances de son administration auxquelles s’ajoutèrent les carences d’un corps de fonctionnaires chichement, ou pas du tout, rétribué. A tous ces éléments, vinrent se greffer les particularismes ethniques (générateurs de discordes), les pressions opérées par la féodalité et, surtout ne l’oublions pas, la perpétuelle rivalité entre le haut clergé et l’aristocratie laïque.


6- C’est en 814 que Louis 1er (le Pieux) succéda à son père. Ici, une nouvelle remarque s’impose. Selon le droit franc, droit notamment en usage sous les carolingiens, ce sont les trois fils de Charlemagne (Charles, Pépin et Louis le Pieux) qui auraient du se partager l’Empire. Seulement, à la mort de Charlemagne seul Louis le Pieux avait survécu, raison pour laquelle il a hérité de l’Empire. Comme nous allons le voir, les conséquences politiques de ce droit franc seront tout à fait différentes lors de la succession de Louis le Pieux.


Europe Charlemagne.

7- Piètre homme politique (bien que judicieusement assisté par d’excellents conseillers, tel Benoît d’Aniane), Louis le Pieux se laissa vassaliser par le clergé et engagea une série de partages entre ses trois fils (Charles le Chauve, Louis le Germanique et Lothaire 1er) qui provoquèrent à sa mort (en 840) une guerre de succession. Ces troubles se soldèrent (en 843) par le Traité de Verdun, traité qui officialisa le partage de l’Empire de Charlemagne en trois royaumes : la partie occidentale (Approximativement, la France d’aujourd’hui) revint à Charles II le chauve, la partie médiane à Lothaire 1er et la partie orientale (ou Germanie qui va devenir le noyau du futur Saint-Empire romain germanique) à Louis II de Germanie. Par la suite, d’autres partages seront effectués. Mais, et si l’on excepte l’éphémère tentative de réunification tentée sous le règne de Charles III le Gros (dernier des fils de Louis le Germanique : 881-887), le Traité de Verdun marque la fin de l’idée d’une Europe unie sous le sceptre d’un unique souverain. Certains, même, vont plus loin en considérant ce traité comme le signe avant-coureur de l’émergence des nations (notamment la France et l’Allemagne). Toutefois, cet avis doit être considéré avec la plus grande prudence. En effet, à cette époque, dominée par les rivalités féodales, il n’existait pas de sentiment d’appartenance nationale sans lequel l’idée même de nation ne pouvait s’imposer. Par ailleurs, et bien qu’elle fut novatrice en son temps, la tentative d’unification de l’Europe engagée par Charlemagne ne pouvait durer. En effet, et comme nous venons de le voir, elle se heurta au droit franc basé sur le partage de l’héritage entre tous les fils héritiers au détriment d’une attribution uniquement réservée au fils aîné. (C’est pour des raisons identiques qu’en 395, date de la mort de Théodose le Grand, l’Empire romain fut divisé entre ses deux fils. A l’Est, l’Empire romain d’Orient revint à Arcadius alors qu’à l’Ouest, celui d’Occident fut remis à Honorius). Ceci étant, et même si elle était vacillante, voire moribonde, l’idée européenne va continuer à faire son chemin mais, sous une autre forme, il est vrai...


8- C’est en 962 (le 2 février, exactement) qu’émergea une nouvelle structure politique en Occident : le Saint-Empire romain germanique. Dans le cadre de cet article, il n’est pas possible d’effectuer une analyse approfondie de ce nouvel Empire qui ne s’éteignit qu’en 1806 (à la suite d’une décision napoléonienne). Toutefois, et en raison de sa longévité et de son importance historique, nous devons nous pencher sur certains de ses aspects. Chronologiquement, le Saint-Empire romain germanique se substitua à l’Empire carolingien instauré par Charlemagne. Toutefois, les années écoulées entre 843 (traité de Verdun) et 962 (naissance du Saint-Empire romain germanique) furent des années de troubles et de guerres qui favorisèrent le retour inéluctable du morcellement de l’Europe tout en accentuant son affaiblissement.


9- C’est dans ce contexte, et à la suite du couronnement du prince germanique Otton 1er comme empereur romain (le 2 février 962), que naquit le Saint-Empire romain germanique. Cette nouvelle structure fut avant tout un regroupement politique englobant des territoires d’Europe occidentale et centrale. A son apogée, il fédéra presque tout le territoire de l’actuelle Europe centrale, le Benelux (ou : Belgique, Luxembourg et Pays-Bas), une petite partie de la France (la France Capétienne n’y est pas intégrée), la Suisse et l’Italie. L’un des objectifs majeurs d’Otton 1er fut d’instituer un organisme politique unique de la Chrétienté ayant pour vocation d’administrer les peuples concernés conformément aux exigences présupposées de Dieu. Toutefois, cette prétention au dominium mundi (ou : ”domination du monde”) ne fut qu’une utopie. En effet, les Empereurs du Saint-Empire romain germanique (notamment durant les premiers siècles de son existence) durent faire face au morcellement politique et administratif du monde médiéval. Par ailleurs, et faute d’une base économique ou militaire forte, le statut d’Empereur devint un titre plus honorifique qu’effectif. D’autre part, la séculaire rivalité entre sacerdotium et regnum (évoquée plus haut) continua d’affaiblir la légitimité et la souveraineté politique des Empereurs. C’est ainsi, qu’entre le XIIe et le XVe siècle, la vie politique de l’Allemagne, et celle de l’Italie, fut altérée par la rivalité entre les Guelfes (partisans de la papauté) et les Gibelins (partisans de l’Empereur). Indépendamment de ces persistantes querelles entre temporel et spirituel, et en raison de rivalités entre différentes dynasties, le pouvoir des Empereurs fut encore affaibli par un système d’élection particulièrement défavorable. En effet, élus par des princes électeurs, ils étaient politiquement à leur merci. Ensuite, et malgré d’harassants combats, ils ne parvinrent pas à dominer la totalité de l’Italie. Dès lors, le Saint Empire devint essentiellement allemand.


10- C’est en 1355 que l’Empereur Charles IV prit une très importante décision : organiser institutionnellement l’élection royale et le fonctionnement de l’Empire. Le but de cette importante réforme fut de mettre de l’ordre dans les institutions et de corriger ses plus graves défauts. A la suite de quelques semaines de débats, l’ensemble fut publié par le truchement de la ”Bulle d’or” promulguée le 10 janvier 1356. Concrètement, cette Bulle pérennisa le pouvoir d’élection des sept princes-électeurs (déjà en vigueur, il est vrai) tandis que le royaume allemand devint le centre et la force dirigeante de l’Empire. (Dès lors, le Saint Empire romain devint le Saint-Empire romain germanique). Aix-la-Chapelle étant devenue le lieu exclusif des couronnements, la coupure avec Rome fut consommée. Dorénavant, royaumes et Empire constituent une unique entité politique : les électeurs du roi sont également les électeurs de l’empereur. C’est à ce moment que le Saint-Empire romain germanique se fond avec le royaume allemand. Finalement, l’empereur se retrouva dans la position du président d’une entité politique que l’on pourrait nommer aujourd’hui (avec les réserves d’usage) : fédération. (Comme nous le verrons plus tard, si le Conseil européen actuel disposait d’un Président élu par ses pairs, l’Europe d’aujourd’hui ne serait pas très éloignée du système politique mis en place par Charles IV). Géopolitiquement, la Bulle d’or eut une conséquence non négligeable. En effet, le recentrage de l’Empire sur lui-même provoqua son renoncement à ses anciennes prétentions universalistes. La perte de cet objectif ne put que satisfaire la papauté car ainsi disparut (temporairement) la concurrence séculaire entre l’autorité pontificale et le pouvoir impérial.


11- C’est à partir de 1438 que, profitant des divisions de l’Empire, les princes de la maison d’Autriche (les Habsbourg) parvinrent à s’emparer de la couronne. Aussi, et ceints de cet emblème, il tentèrent d’accroître leurs propres Etats. Ils parvinrent ainsi à consolider leur position en Autriche et dans les pays voisins (Styrie, Tyrol, Carniole et Carinthie). Puis, introduits dans le vaste domaine des ducs de Bourgogne, ils annexèrent la Franche-Comté et la Flandre. L’une des figures les plus éminentes des Habsbourg fut sans conteste celle de Charles Quint (1514-1558). Héritier de vastes territoires et auréolé de plusieurs titres royaux, il fut le monarque le plus puissant du XVIème siècle. Sans qu’il soit possible d’entrer dans les détails, notons cependant ses efforts en vue d’établir une nouvelle constitution reposant sur un gouvernement central puissant. Seulement, cette initiative se heurta à l’hostilité des états impériaux catholiques, hostilité qui provoqua son échec. Par ailleurs, Charles Quint dut faire face à la montée en puissance du protestantisme qui séduit un grand nombre de princes notamment en Allemagne. Bien qu’il sortit vainqueur d’un conflit avec les princes rebelles (guerre de Schmalkalden survenue entre 1546 et 1547) il ne put s’opposer à la Paix d’Augsbourg (1555). Du point de vue religieux, cette paix mit un terme à l’idée d’un empire uni confessionnellement. En effet, les seigneurs territoriaux obtinrent le droit de choisir la confession de leurs sujets. Dès lors, le vieux rêve d’un Occident uniquement catholique était ruiné d’où, d’ailleurs, les guerres de religion qui s’ensuivirent. Toutefois, la paix d’Augsbourg n’eut pas que des conséquences religieuses. Elle joua également un grand rôle politico-constitutionnel qui eut de grandes conséquences sur la structure même de l’Empire. Par exemple, elle entraîna un affaiblissement de la puissance impériale au profit des états impériaux. En effet, ces derniers acquirent des compétences nouvelles en matière juridique ainsi que l’opportunité de nommer les magistrats. Par ailleurs, ils eurent le droit de frapper monnaie et d’exercer des charges réservées jusqu’alors à l’empereur. Le transfert de souveraineté fut considérable et explique, en partie, qu’à la fin du règne de Charles Quint, l’Empire se retrouva fortement affaibli.


Bataille de Pavie.

12- Indépendamment de ces difficultés imputables à la politique intérieure de l’Empire, Charles Quint dut, de surcroît, faire face à un certain nombre de guerres notamment contre la France de François 1er. Mais, ici, une importante remarque s’impose. Comme nous l’avons précédemment noté, La partie orientale de l’Empire de Charlemagne ayant échu à Louis II de Germanie fut la génitrice du Saint-Empire romain germanique. Si la partie médiane de cet Empire, impartie à Lothaire 1er, fusionna avec le royaume de Louis II, la partie Occidentale (une grande part de la France d’aujourd’hui) va conserver son autonomie. Ce fait aura des conséquences politiques de la première importance car il explique en partie les rivalités futures entre la France et l’Allemagne. En termes modernes, ce sont deux puissances (auxquelles il conviendra plus tard de joindre l’Angleterre), tour à tour, hégémoniques, qui vont s’affronter durant des siècles. Cette rivalité entre la France et le Saint-Empire romain germanique se manifesta brutalement en Italie qui devint le principal champ de bataille de l’Europe notamment durant la première moitié du XVIe siècle. A cette époque, l’Italie était morcelée entre plusieurs Etats rivaux : le royaume de Naples, l’Etat pontifical, les républiques de Florence, Gêne, Venise, les duchés de Milan et de Savoie ainsi que plusieurs principautés et républiques d’une moindre importance. Une telle vulnérabilité politique ne pouvait que faciliter les ambitions impérialistes des deux grandes monarchies rivales d’Europe : la monarchie française (François 1er) et Espagnole (Charles Quint qui était à la fois l’empereur du Saint-Empire romain germanique et roi d’Espagne, rappelons-le). A ce contexte générateur de conflits, se greffa une autre rivalité concernant, cette fois ci, la Bourgogne. En effet, et bien qu’annexée par le roi français Louis XI, cette vaste région faisait partie de l’héritage des ducs de Bourgogne dont Charles Quint avait bénéficié. L’ensemble de ces éléments engendra et nourrit une lutte entre les deux monarques qui se traduisit par quatre guerres successives. La première d’entre-elles se solda par une humiliation infligée à François 1er. En effet, et après avoir perdu le Milanais, non seulement il fut battu lors de la bataille de Pavie (1525) mais se retrouva prisonnier de son ennemi qui le contraint à signer le désastreux traité de Madrid (1526). De son coté, la deuxième guerre (marquée par le sac de Rome perpétré par des troupes au service de l’empereur) se solda par la paix de Cambrai (1529). Traité au terme duquel François 1er dut renoncer à ses prétentions italiennes, abandonner la suzeraineté de l’Artois et de la Flandre tout en parvenant, malgré tout, à conserver la Bourgogne. Aussi inutiles que les deux premières, les deux guerres suivantes n’eurent que peu de conséquences sur l’équilibre des forces en présence. Toutefois, et même si l’Europe aurait pu en faire l’économie, de nouveaux affrontements opposèrent Charles Quint et Henri II (le fils de François 1er). Une fois encore, le bilan politique de ces nouveaux conflits s’avéra des plus mitigé bien que le traité du Cateau-Cambrésis (1559) se soit soldé par un nouveau recul de la France.


13- Affaibli par une santé fragile et certainement désabusé par de nombreux revers politiques, Charles Quint abdiqua en 1555. A la suite de ce renoncement, il ordonna en 1556 (le 18 janvier) aux électeurs du Saint-Empire de considérer son frère, Ferdinand, comme lui-même. La diète s’exécuta et désigna Ferdinand comme empereur élu des Romains. En dépit de sa puissance, Charles Quint n’atteignit pas ses objectifs politiques. En effet, son grand rêve d’un Empire chrétien universel se heurta aux ambitions rivales du Royaume de France, au danger croissant incarné par les Ottomans et, surtout, à la Réforme religieuse initiée par Luther.


14- Bien que géographiquement limitées, les guerres d’Italie furent des guerres politiques dans la mesure ou elles résultèrent de la confrontation entre deux puissances rivales. Elles traduisirent non pas l’opposition de deux idéologies ou deux religions mais, bien davantage, de deux volontés hégémoniques. Par contre, c’est entre 1618 et 1648 qu’un nouveau conflit majeur va se dérouler en Europe du, cette fois-ci, à la rivalité religieuse entre les protestants et les catholiques. Cette guerre de Trente Ans, que l’on peut donc qualifier de religion, commença en Bohême à la suite d’un casus belli : la défenestration (survenue à Prague le 23 mai 1618) de deux gouverneurs catholiques de Bohême (Slavata et Martinic) ainsi que de leur secrétaire : Philippe Fabrizius. Cet évènement fut l’élément déclencheur d’une lutte dévastatrice entre les Habsbourg et les aristocrates de Bohême en quête de liberté confessionnelle. Cependant, et contrairement à la guerre de Sept Ans, qualifiée par certains historiens de ”guerre mondiale” (1756-1763), la guerre de Trente Ans ne déborda pas le strict cadre européen et notamment celui du Saint-Empire. Indépendamment de la querelle religieuse, un nouvel affrontement est venu se greffer : celui ayant opposé les maisons d’Autriche et de France. Plus hégémonique que la seconde, la première chercha à renforcer sa prépondérance en Europe. De son coté, et non sans ambiguïtés, la maison de France combattit pour défendre et accroître sa propre puissance. Cette guerre, qu’il n’est pas possible de détailler ici, ravagea essentiellement l’Europe centrale. Les exactions (meurtres de masse, viols, pillages), dues notamment à la barbarie de la soldatesque, furent légions et les pertes humaines, considérables. Selon les historiens, entre 3 et 4 millions d’humains périrent sur une population initiale de 17 millions d’habitants. Préfigurant les conflits futurs, plusieurs nations s’impliquèrent durant ce conflit : les Etats allemands du Saint-Empire romain germanique, les possessions des Habsbourg d’Autriche, l’Espagne, la Suède, le Danemark, les Provinces-Unies et la France.


15- C’est le 24 octobre 1648 que les Traités de Westphalie (signés à Münster et à Osnabrück) mirent un terme à ce nouveau drame européen durant lequel polemos avait, une fois encore, triomphé. Les principales conséquences politiques de ces Traités s’avérèrent majeures. En tout premier lieu, les princes protestants obtinrent le droit de pratiquer leur religion (le déclin de l’église catholique, notamment dans le Nord de l’Europe, en découla). De son coté, la suprématie de la maison des Habsbourg fut sensiblement altérée tandis que l’Empire espagnol fut contraint de reconnaître l’indépendance de la République des sept Provinces-Unies des Pays-Bas. Toutefois, cet Empire conserva sa souveraineté sur les Pays-Bas méridionaux et le Duché de Luxembourg.


16- Paradoxalement, si les Traités de Westphalie eurent pour principale vertu de mettre un terme à la guerre de Trente Ans, leurs conséquences politiques favorisèrent l’émergence de conflits futurs. En effet, le vieux rêve d’une Europe unifiée (donc en paix) sous la bannière d’une unique souveraineté s’effaça au profit du primat de la notion d’Etat donc, de nation. De ce point de vue, et en instaurant un ordre nouveau, les Traités de Westphalie ont très largement débordé le seul cadre militaire. Le principal emblème de cette mutation est incarné par un pays : la France. Sortie grand vainqueur de cette guerre, elle verra grandir son hégémonie, notamment sous le sceptre de Louis XIV et sous celui, plus tard, de Napoléon 1er. Ceci étant, les avantages acquis par la France ne furent pas uniquement politiques. A ceux-ci, s’ajoutèrent des gains territoriaux sur ses frontières : les trois évêchés, ainsi que Brisach et Philippsbourg, la plus grande partie de l’Alsace et Belfort. Furent également annexés la forteresse de Pignerol, l’Artois et le Roussillon (à la suite du traité des Pyrénées –1659- qui mit un terme à la guerre avec l’Espagne). Pour finir, la France, en ayant pris la responsabilité de protéger les libertés allemandes, se retrouva garante de la souveraineté des princes allemands contre l’hégémonie des Habsbourg.


17- C’est en 1643 que meurt le roi français Louis XIII. Son fils (le futur Louis XIV) n’ayant que 5 ans, la régence fut confiée à sa mère Anne d’Autriche (à la suite d’une manipulation politique, il est vrai), jusqu’à ce que le jeune prince atteigne la majorité royale (13 ans) survenue en 1651. Ceci étant, Anne d’Autriche fut loin d’être isolée. En effet, elle bénéficia des conseils, plus qu’éclairés, du grand ministre Mazarin (et sans doute plus, selon certains historiens). Ayant de la sorte fait preuve d’une rare fidélité politique, Mazarin poursuivit l’œuvre de son prédécesseur : Richelieu. C’est ainsi qu’il contribua notamment à l’affaiblissement de la maison d’Autriche tout en assurant la prépondérance française en Europe. C’est pourquoi, et tout naturellement, que Louis XIV, devenu roi à par entière se garda bien de limoger son ministre et attendit même sa disparition (en 1661) pour décider de ne pas le remplacer. Dès lors, et en détenant tous les pouvoirs, le jeune roi consolida très sensiblement la monarchie absolue (De ce point de vue, l’impératrice Catherine II de Russie –1762/1796- sera l’héritière zélée de ce type de régime). Réformiste, Louis XIV instaura le ”Code Louis”, sorte de code civil (1667), le Code forestier (1669), le Code criminel (1670) et le Code noir (1685) portant sur l’esclavage. Se défiant de la noblesse (il se souvient de la révolte de Condé), il va s’ingénier à l’affaiblir en n’hésitant pas, par exemple, à faire arrêter et condamner le surintendant des finances, Fouquet. Toutefois, il saura s’appuyer sur des hommes de confiance tel Colbert auquel il confira les finances.


18- Lointain prédécesseur du général De Gaule, Louis XIV a une très haute idée du royaume au détriment, il est vrai, de celle de l’Europe. Il veut que le pays rayonne à tous les niveaux et dans tous les domaines autant que lui-même. Aussi, n’est-il pas surprenant qu’il ait choisi le soleil comme emblème (Akhenaton, lui, en avait fait une divinité...) En cela, digne continuateur de François 1er, il a promulgué avec le plus grand zèle l’art et la culture. Avec le soutien de Colbert, il valorisa ce domaine en fondant, par exemple, l’Académie royale de peinture et de sculpture ou, encore, l’Académie royale d’architecture. En outre, il se fit le mécène de nombreux artistes tels Lully, Racine ou Molière (malgré les avatars du ”Tartuffe”...) Parallèlement, Louis XIV étendit son désir de grandeur à l’architecture. C’est ainsi que la postérité lui doit la colonnade du Louvre, l’hôtel des invalides, la future place Vendôme et, surtout, l’agrandissement et l’embellissement du château de Versailles qui devint, dès 1682, le centre du royaume.


Louis XIV.

19- Tout comme Napoléon 1er, Louis XIV n’a pu s’empêcher d’associer son long règne avec un désir effréné de conquêtes. Désir favorisé, il est vrai, par son goût certain pour la guerre. Mais, et indépendamment de ce caractère belliqueux, il faut se souvenir, qu’au XVIIè siècle (et même auparavant, d’ailleurs), un roi était avant tout un chef de guerre et devait, comme l’a affirmé le roi soleil, lui-même, « rechercher de grandes occasions de se signaler. » Pour ce faire, il bénéficia du talent des deux plus grands hommes de guerre de l’époque : Condé et Turenne. Du point de vue géopolitique, l’Espagne est militairement à bout de souffle (elle vient de signer, en 1659, le traité des Pyrénées, traité très avantageux pour la France qui reçut à cette occasion l’Artois et le Roussillon). L’empereur d’Autriche doit faire face aux velléités hégémoniques des turcs. Le Saint-Empire se débat avec son morcellement tandis que l’Angleterre peine à se remettre du sanglant régime républicain de Cromwell. De son coté, l’Italie est trop morcelée et du sien, la Russie est trop éloignée et vit quasiment en autarcie. Dans ce contexte, toutes les conditions sont réunies afin de faciliter le désir du jeune roi d’affirmer et d’accroître sa puissance. Seulement, si Louis XIV est européen de naissance, il ne l’est pas de cœur. Il serait donc vain de chercher chez lui une quelconque ”idée européenne”. Aucun idéal universaliste n’anime sa politique uniquement centrée sur l’éclat du royaume et son ambition personnelle.


20- Remarquons, cependant, que cette ambition personnelle s’inscrit dans le contexte géopolitique de l’époque. En effet, la loi internationale est celle des armes qui devient, dès lors, la base même des négociations menées au lendemain des combats. Les enjeux de la guerre étant essentiellement territoriaux, les rois conquièrent des provinces, ou en perdent, redessinant ainsi les contours géographiques des nations. Ceci étant, il ne semble pas que Louis XIV ait envisagé de constituer un Empire européen. Certes, il mena des guerres de conquêtes contre ses voisins (l’Espagne et les Provinces-Unies, ce qui revient au même à cette époque) mais ce fut essentiellement dans le but de desserrer l’étau maintenu par les familles cousines autrichienne et espagnole des Habsbourg. Cette rivalité au sein de l’Europe (dont l’origine remonte au partage de l’Empire de Charlemagne, rappelons-le) explique la politique extérieure de Louis XIV et, notamment, les cinq guerres qu’il suscita : la guerre de dévolution (1667-1668), la guerre de Hollande (1672-1678), la guerre des Réunions (1683-1684), la guerre de la ligue d’Augsbourg (1688-1697) et celle de la succession d’Espagne (1701-1713). Ces conflits atteignirent leur but : repousser suffisamment les frontières Nord et Est du royaume (l’Alsace, la Franche-Comté et la Flandre furent annexées) afin de réduire la pression exercée, sur celles-ci, par les Habsbourg.


21- Comme chacun sait, les guerres sont faites pour tuer, massacrer le plus d’humains possible. (Et, si l’on en juge par le dernier conflit mondial, les Conventions de Genève -dont la première fut signée en 1884- sont de peu de secours face à la barbarie). C’est ainsi que, lors de la guerre de Hollande (1672-1678), qui, notamment, mit aux prises Louis XIV et Léopold 1er de Habsbourg,. l’armée de Turenne se distingua par sa sauvagerie. En effet, c’est en 1674 que Turenne franchit le Rhin par deux fois (le 14 juin et le 3 juillet) afin d’atteindre le Palatinat. Une fois sur place, son armée se livra à des exactions sans nom exercées sur les civils. Ceux-ci furent indistinctement massacrés, leurs localités anéanties. Cet ”exploit”, s’il en est, donna même l’occasion à Du Fay de s’en vanter dans un courrier adressé à Louvois : « Dans les deux dernières semaines, j’ai brûlé treize villes et villages (...) Il ne restait plus âme qui vive dans aucun d’eux. » Cependant, Turenne n’atteignit pas son objectif. En effet, au lieu de terroriser les princes ennemis, ces atrocités les dressèrent plus encore contre la France. Certains considèrent même (notamment Jean Bérenger : Turenne) que cet épisode tragique serait l’une des origines du lourd contentieux franco-allemand qui, grâce à la construction européenne, ne cessera qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.


22- La politique expansionniste de Louis XIV (annexions en pleine paix de nombreux territoires allemands) ainsi que la révocation de l’Edit de Nantes (1685) provoqua à la fois la colère de l’empereur germanique et celle des princes protestants européens. Cet accroissement de tensions internationales se traduisit par le déclenchement d’une nouvelle guerre en Europe : la guerre contre la ligue d’Augsbourg (1688-1697). Ce nouveau conflit durant lequel Louis XIV dut affronter une véritable coalition se déroula essentiellement en Allemagne, aux Pays-Bas espagnols, en Italie, en Catalogne et même sur les mers. C’est en 1697 que le Traité de Ryswick mit un terme à cette guerre qui se solda par un net recul de la puissance française. En effet, Louis XIV fut contraint de rendre la plus grande partie des annexions illicitement effectuées auparavant et, de surcroît, de reconnaître Guillaume III, l’un de ses ennemis les plus acharnés, comme roi d’Angleterre. Pour la deuxième fois, et toujours sous les ordres de Louvois, le palatinat fut dévasté : les villes et les villages furent rasés, les cultures ravagées et les habitants survivants expulsés. Quel bilan européen peut-on retenir du règne de Louis XIV sinon des guerres et encore des guerres ! D’ailleurs, c’est à la fin de sa vie, et lors d’une déclaration adressée au très jeune futur Louis XV,  que Louis XIV en convint lui-même : « Mignon, vous allez être un grand roi, mais tout votre bonheur dépendra d’être soumis à Dieu et du soin que vous aurez de soulager vos peuples. Il faut pour cela que vous évitiez autant que vous le pourrez de faire la guerre : c’est la ruine des peuples. Ne suivez pas le mauvais exemple que je vous ai donné sur cela ; j’ai souvent entrepris la guerre trop légèrement et l’ai soutenue par vanité. Ne m’imitez pas, mais soyez un prince pacifique, et que votre principale préoccupation soit de soulager vos sujets. » Bien que ce mea culpa n’effaça pas les dévastations dont il fut responsable, reconnaissons au ”grand roi” son sens de l’autocritique...


23- Lorsque survient (en 1715) la mort de Louis XIV, son arrière-petit-fils (le futur Louis XV) n’a que cinq ans. Dans l’attente de la majorité du nouveau roi, c’est au fils de ”Monsieur” (le frère de Louis XIV), Philippe d’Orléans, que revient la régence du royaume (après avoir fait casser le testament de Louis XIV et avoir réussi un véritable coup d’Etat). Tout comme Louis XIV avait gardé son ministre Mazarin, Louis XV, enfin roi à part entière (en 1723) gardera Philippe d’Orléans auprès de lui en tant que Premier ministre et cela jusqu’à la mort de ce dernier survenue durant la même année. Au cours de sa régence, Philippe d’Orléans dut faire face à un nouveau conflit avec l’Espagne dont le roi Philippe V (l’oncle de Louis XV) n’avait pas renoncé à la couronne de France. Alliée avec l’Angleterre, c’est en 1720 que la France entre en guerre contre l’Espagne jusqu’à la signature du Traité de Madrid (1720) qui y mettra fin. Un peu plus tard (en 1733) la guerre de succession de Pologne va embraser l’Europe une nouvelle fois jusqu’à la signature (en 1738) du Traité de Vienne. Deux ans à peine s’écoulent lorsqu’en 1740 survient une nouvelle guerre concernant, cette fois-ci, la succession d’Autriche. Un nouveau Traité (celui d’Aix-la-Chapelle signé en 1748) stoppera ce nouveau conflit jusqu’à ce que survienne la guerre de Sept Ans (1756-1763).


24- Due à la volonté de Marie-Thérèse d’Autriche de récupérer la Silésie (perdue à la fin de la guerre de Succession d’Autriche), ce nouveau conflit se déroula surtout en Allemagne et en Bohême. Donc, une fois encore, au cœur de l’Europe. Il opposa la Prusse (alliée du Royaume-Uni) à une coalition regroupant la France, l’Autriche, la Russie la Saxe, la Suède et la Pologne. Ceci étant, la France de Louis XV n’était pas celle de Louis XIV. Aussi, et sans trop trahir l’histoire, on peut dire que la participation française à ce conflit résulta davantage de son alliance avec l’Autriche que d’une volonté politique délibérée si l’on excepte, toutefois, son conflit colonial avec le Royaume-Uni. En effet, une autre guerre se déroulait également en Amérique du Nord où les Français, notamment installés au Québec et en Amérique du Nord, luttaient contre les Britanniques tandis que, parallèlement, un autre conflit opposait encore ces deux pays en Inde, cette fois-ci. Mais, restons en Europe bien que certains historiens (peut-être à juste titre) considèrent que la guerre de Sept Ans déborda à un point tel le seul cadre européen qu’elle peut être considérée comme une guerre mondiale.


25- C‘est en 1763 qu’un premier traité (celui de Paris) signé le 10 février entre la Grande-Bretagne, la France et l’Espagne restaurera la paix en Europe. (Le 15 février de la même année, le traité de Hubertsbourg apaisera de son coté les tensions entre l’Autriche et la Prusse.) Les conséquences politiques du traité de Paris ont été désastreuses pour la France et extrêmement avantageuses pour la Grande-Bretagne qui ôta au royaume de Louis XV la quasi-totalité de ses possessions coloniales tant en Amérique du Nord (Canada inclus) qu’en Inde. Sous un angle plus géopolitique, la Grande-Bretagne s’imposa comme la grande puissance mondiale grâce, notamment, à sa suprématie sur les mers du globe. De son coté, la Russie devint un acteur à part entière dans cette Europe du XVIIIè siècle ce qui se confirmera sous le règne de Catherine II de Russie. Cependant, les bénéfices acquis par la Grande-Bretagne seront de courte durée. En effet, la Guerre de Sept Ans a économiquement épuisé les belligérants (principalement la France et la Grande-Bretagne.) Aussi, et afin de relever ses finances, ce dernier Etat fut contraint d’imposer un grand nombre de taxes et notamment à l’encontre de ses colonies américaines. Ces nouvelles contraintes financières (le Tea Act, entre autres, sur le commerce du thé) seront l’une des causes essentielles de la guerre d’indépendance survenue en 1775. Guerre qui dépouillera la Grande-Bretagne de ses colonies américaines. Reste le bilan humain. Comme lors des conflits précédents, et indépendamment de lourdes pertes militaires, les civils payèrent un lourd tribu : pillages, famines, exactions en tous genres ponctuèrent les mouvements des armées en campagne qui, manquant de ravitaillement, se retournèrent contre les populations civiles pour en trouver. Mais, n’en est-il par toujours ainsi ?


Louis XVI.

26- Lorsque Louis XV meurt (en 1774), c’est son troisième petit-fils qui ceindra la couronne de France sous le nom de Louis XVI. Souvent décrié par beaucoup d’historiens, ce nouveau roi (le dernier de ”l’Ancien régime”) dut affronter la catastrophique situation économique léguée par son prédécesseur. Par ailleurs, il eut la malchance d’être l’héritier d’une monarchie française à bout de souffle. Ceci étant, l’Europe n’eut pas à se plaindre de son règne pacifique qui, du point de vue militaire, ne s’illustra que par son intervention lors de la guerre d’indépendance (1775-1783) ayant opposée les colonies anglaises d’Amérique du Nord à la couronne d’Angleterre. Survenue au tout début de son règne, cette intervention (incarnée par La Fayette et Rochambeau) peut être considérée comme une revanche ayant fait suite au désastreux traité de Paris évoqué précédemment. Ceci étant, l’époque de ”l’absolutisme royal” était révolue en France et même la restauration, suivie de la monarchie de juillet, qui succédèrent au premier Empire, ne parvinrent pas à changer le cours des choses.


Prise de la Bastille.

27- Une question préoccupe depuis fort longtemps les historiens : qu’elles sont les causes (diverses, sans aucun doute) susceptibles d’expliquer la survenue de la révolution française ? Bien que cette question n’entre pas dans le cadre de cet article, il me parait utile, malgré tout, de s’y arrêter quelques instants notamment en raison de son importance et de ses conséquences historiques. En ce qui concerne les causes, A. de Tocqueville (1805-1859) a très bien souligné la problématique qu’elles soulèvent : « Les révolutions naissent spontanément (...) de causes générales fécondées, si l’on peut parler ainsi, par des accidents, et il serait aussi superficiel de les faire découler nécessairement des premières que de les attribuer uniquement aux seconds. » L’analyse de cette citation met en exergue la ”bicéphalité” initiatrice des grands évènements historiques. Par exemple, un casus belli peut être assimilé à un accident survenu dans un contexte général favorable. C’est ainsi que l’assassinat du prince François-Ferdinand d’Autriche et de son épouse (le 28 juin 1914) par le jeune nationaliste serbe Gavrilo Princip provoqua la première guerre mondiale. Ceci étant, l’évocation de cet ”incident”, ou accident, selon l’analyse de Tocqueville, soulève une nouvelle question : si ce double assassinat n’était pas survenu, cette guerre, si meurtrière, aurait-elle pu être évitée ? Rien n’est moins sur ! C’est pourquoi, et dans un domaine aussi aléatoire, convient-il de relativiser...


28- Toutefois, la révolution française n’est pas survenue par hasard. En effet, la France (notamment le peuple) de cette époque en avait assez d’un ”absolutisme royal” générateur de tant d’injustices et d’inégalités envers ses sujets. Nous sommes dans ce ”siècle des lumières” pourvoyeur de philosophes (Rousseau, Montesquieu, etc.) penchés sur la condition humaine telle qu’elle était imposée par les puissants de ce temps. Et cela, au détriment de ce qu’elle aurait du être en fonction de ce que l’on entend par ”justice sociale”. Héritier de la féodalité, le pouvoir royal, devenu absolu depuis Louis XIV, (le roi pouvait dire : « Cela est légal parce que je le veux ! ») n’avait rien à faire d’une telle considération : seuls comptaient à ses yeux, son prestige propre et celui de sa lignée. Finalement, la cause essentielle de la révolution française est due à l’impéritie de l’Ancien régime, vivier tenace de toutes les injustices (état de fait que n’a pas voulu voir Louis XVI comme, d’ailleurs, le tsar Nicolas II, le dernier des Romanov.) En effet, deux traits principaux caractérisent cet Ancien régime auquel a mis un terme définitif la révolution française : l’absolutisme du pouvoir (au point de vue politique) et l’inégalité face à la répartition des charges (impôts, etc.) liée à l’inégalité des droits civils (au point de vue social.) La société de l’Ancien régime repose totalement sur les privilèges dont jouissent les classes dominantes : la noblesse et le clergé. Et, de fait, les membres de ces classes sont exempts d’impôts ; ils ne payent ni taille ni gabelles  et sont dispensés des charges municipales, des tutelles et des curatelles. Bref ! Ne reste au peuple qu’à obéir ! Seulement, nous dit Rousseau (Du contrat social. P. 68) : « Tant qu’un peuple est contraint d’obéir et qu’il obéit, il fait bien ; sitôt qu’il peut secouer le joug, il fait encore mieux  » C’est exactement ce que fit le tiers état (tiers du parlement chargé de représenter le peuple.) Car, assuré d’être soutenu par le peuple et par une partie non négligeable de l’armée, il se constitua (le 17 juin 1789) en Assemblée nationale constituante. Louis XVI réagit en faisant fermer la salle des députés. Seulement, l’histoire étant en marche, ils s’assemblèrent dans la salle du jeu de paume et jurèrent de ne se séparer qu’après avoir voté et solidement établi une nouvelle constitution. Dès lors, l’Ancien régime était perdu.


29- Finalement, et il le paiera très cher, Louis XVI n’a pas compris que son monde (monarchique) avait vécu. Indépendamment d’une exigence d’égalité devant la loi et de liberté politique, une conception philosophico-politique (pas si nouvelle car Platon au Vème siècle av. J.C. en débattait déjà) commençait à s’imposer : la démocratie. Destructrice d’un ordre ancien, la révolution française fut à l’origine de l’émergence d’un ordre nouveau : la souveraineté du peuple et non pas celle d’une infime de ses parties. Ceci étant, les constituants du jeu de paume n’osèrent pas se séparer totalement de l’ancienne dynastie. Certes, Louis XVI fut ramené de force à Paris mais conserva un minimum de légitimités. Même si avec un tel roi, l’idée d’une monarchie constitutionnelle (au sens anglais du terme) était absurde, elle occupa cependant certains esprits. En effet, réaliser un tel projet présentait deux avantages : instaurer une véritable démocratie parlementaire tout en assurant l’unité de l’Etat par l’intermédiaire de son souverain (c’est exactement le cas en Angleterre.) Seulement, et pour ce faire, il eut fallu que Louis XVI et la reine Marie-Antoinette soient plus éclairés et, surtout, s’abstiennent de conspirer avec l’étranger...


30- Bien évidemment, les monarchies européennes ne pouvaient rester indifférentes face à une révolution susceptible de s’étendre à toute l’Europe. Et, de fait, elles se sentirent menacées par des idées révolutionnaires sous-tendues par une vision universaliste des sociétés humaines. Et ce n’est pas l’immortelle déclaration des droits de l’homme, rédigée en 1789 et dont l’article 1er stipule que : « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit », qui aurait pu les rassurer. Devenue le théâtre de bouleversements politiques sans précédents, la France devint un danger, notamment pour les royalistes qui émigrèrent en masse et tentèrent d’instaurer une ”France extérieure” sous la protection des monarchies qui les avaient accueillis. Dès lors, la guerre civile (que je n’aborderais pas ici) et la guerre entre la France et le reste de l’Europe devinrent inévitables. La cause du roi de France étant devenue la sienne, l’Empereur d’Allemagne, Léopold II adressa à tous les monarques européens une lettre-circulaire leur enjoignant de partager son avis. Ce fut, notamment, le cas du roi de Prusse, Frédéric-Guillaume II, qui, avec l’empereur d’Allemagne, participa aux conférences de Pilnitz (en 1791) dont le but fut de préparer une guerre, menée plus tard.


31- En réponse aux conférences de Pilnitz, l’Assemblée législative ordonna la formation quatre armées : armée du Nord avec Rochambeau, armée du Centre avec La Fayette, armée du Rhin avec Luckner, armée des Alpes avec Montesquiou. Dans ce contexte pour le moins belliqueux, la France n’attendit pas d’être attaquée par ses voisins. Bien au contraire, elle prit les devants (avec l’accord de Louis XVI) en déclarant la guerre (le 20 avril 1792) au roi de Hongrie et à celui de bohème, c’est à dire à l’Autriche ou, si l’on préfère, au Saint-Empire. C’est ainsi, qu’en s’embrasant une nouvelle fois, l’Europe assista au triomphe de Polemos. Notons, cependant, que les guerres de la Révolution qui vont suivre sont très différentes des précédentes. En effet, la cause principale de ces conflits ne fut pas le désir de conquérir des territoires (bien que la France en acquis beaucoup) mais la confrontation entre deux mondes : l’ancien, défendu par les monarchies européennes, et donc par Louis XVI, et le nouveau, esquissé par une révolution portée par les idées nouvelles des ”lumières”. Idées qui confortèrent à la fois les revendications croissantes d’une classe montante : la bourgeoisie et le rejet par le peuple des privilèges, des inégalités et des injustices subies depuis des siècles. Aveuglées par leur long passé, les vieilles monarchies ne voulaient en aucun cas renoncer à des prérogatives considérées comme acquises de droit divin. Elles ne comprirent pas que la vie des sociétés humaines n’est pas immuable et que, tôt ou tard, celles-ci, comme disait Rousseau, savent, le moment venu, secouer le joug. Par contre, ces monarchies comprirent que la révolution française ne se limiterait pas seulement à ce seul pays. Elle allait avoir une irréversible influence suffisamment puissante pour marquer le commencement d’une ère nouvelle au détriment d’un ordre ancien dont la caducité était avérée. Indépendamment de ses excès (la ”terreur”, notamment), la Révolution française fut une marche irrésistible vers la liberté, condition essentielle de la dignité humaine. Elle combattit l’asservissement des plus humbles et tenta d’instaurer une vie meilleure pour le plus grand nombre. Bref ! Elle oeuvra pour le bien commun !


Bataille de Valmy.

32- Le conflit qui opposa la France et l’Autriche dès 1792 fut donc d’une nature nouvelle. Il ne s’agit plus d’une guerre entre princes pour la conquête de quelque province mais d’une guerre que l’on peut qualifier de ”politique”. Voulue par les Girondins, elle confronta, comme nous venons de le voir, les rois et les princes à une exigence nouvelle : la liberté. Evidemment, et notamment sous le commandement du duc de Brunswick, l’armée austro-prussienne réagit en franchissant les frontières afin de conquérir quelques villes en Champagne (Longwy et Verdun.) La réaction militaire révolutionnaire fut immédiate. Sous l’impulsion du général Dumouriez, l’armée française se dressa face à la marche des Austro-Prussiens afin de leur barrer la route conduisant à Paris. Cette confrontation aboutit à la bataille de Valmy (le 20 septembre 1792) qui fut la première victoire remportée par l’armée révolutionnaire. Bien que limitée du point de vue militaire, cette victoire fut lourde de conséquences sur le plan symbolique. En effet, l’armée révolutionnaire devint celle du peuple et les coalitions qui vont bientôt se former ne pourront rien contre cet élan nouveau. Cette armée ne s’est pas battue uniquement pour défendre un territoire mais au nom du sentiment d’appartenir à une nation dont l’idée s’enracinait dans l’esprit révolutionnaire. C’est au lendemain de la bataille de Valmy que la convention institua la première république proclamée « une et indivisible. » Dés lors, la royauté était abolie. C’est également au lendemain de la bataille de Valmy que fut créé le service militaire « égalitaire et universel » ce qui mettra fin aux milices provinciales.


33- Cette prestigieuse victoire de l’armée révolutionnaire a sauvé la République à peine naissante. Présent sur le champ de bataille, le célèbre écrivain Goethe a d’ailleurs pris acte de cet évènement majeur : « D’aujourd’hui et de ce lieu date une ère nouvelle dans l’histoire du monde ; vous pourrez dire que vous y étiez ! » Militairement, une conséquence majeure de cette bataille fut l’évacuation du territoire français par l’armée des coalisés le 22 octobre suivant. D’une manière plus générale, la victoire française de Valmy eut un immense retentissement sans aucun rapport avec son importance stratégique. Forte de ses traditions multi-séculaires, l’armée des coalisés a été battue par celle des ”sans-culottes”, armée sensée être désorganisée et sans aucune valeur militaire. Sans doute fut-ce vrai mais, une fois encore, cette armée s’est battue pour la liberté : « La révolution est la guerre de la liberté contre ses ennemis », a dit Robespierre. Il s’agissait bien d’une armée révolutionnaire combattant pour la fin des privilèges, l’abolition de la féodalité, l’éradication du despotisme. Portée par de telles idées, elle ne pouvait échouer.


34- C’e fut l’exécution du roi Louis XVI (le 21 janvier 1793) qui compromit définitivement toute négociation entre les révolutionnaires et les royalistes comme elle rendit inévitable un conflit européen de grande ampleur. Aussi, c’est durant cette même année que l’Europe, à l’exception de la Russie, de la Scandinavie et de la Suisse, se coalisa contre la France révolutionnaire (1ère coalition.) Conquis lors de la bataille de Jemmapes (6 novembre 1792) les Pays-Bas autrichiens seront perdus par les Français lors de la défaite de Neerwinden (le 18 mars 1793.) Cependant, ce revers militaire ne compromit pas une série de contre-attaques victorieuses sur tous les fronts : Nord, Savoie, Pyrénées et Toulon d’où les Anglais sont chassés notamment par Bonaparte. En proie, sur le plan intérieur, à des troubles politiques, l’année 1794 est marquée par la chute de Robespierre qui sera guillotiné le 28 juillet 1794. Pendant ce temps, les guerres continuent ponctuées par de nouvelles victoires : Tourcoing, Fleurus, St Sébastien Etc.


35- Toujours en France, l’année 1795 se distingue par une profonde évolution politique. En effet, et suivant en cela l’article 132 de la constitution (dite de l’an III), la convention s’efface (le 28 octobre 1795) devant un directoire de cinq membres chargés, désormais, du pouvoir exécutif. Sur le plan européen, la guerre continue contre l’Autriche et l’Angleterre. Le traité de La Haye (signé le 16 mai) suivi de l’instauration de la ”République batave” met un terme à la campagne menée en Hollande. Pénalisés par la défection de la Russie, de la Prusse et de l’Espagne, les Autrichiens se retrouvent seuls devant les Français. Toutefois, et en raison de l’épuisement des troupes, un armistice (signé le 21 décembre) suspendra les combats.


36- C’est le 28 mai 1796 que Bonaparte prit le commandement de l’armée d’Italie en très mauvaise posture à cette époque. Toutefois, et grâce à son talent militaire, il ne tarda pas à redresser une situation pour le moins précaire. C’est ainsi qu’à la suite d’une brillante campagne, il imposa la signature du Traité de Paris (le 15 mai 1796.) Ce traité établi définitivement la paix entre la Maison de Savoie et la République Française et permit à la France de récupérer la Savoie, Tende et le comté de Nice. Un nouveau traité (celui de Campo-Formio, signé le 18 octobre 1797) provoqua la dissolution de la Première Coalition à l’exception notable de l’Angleterre qui refusa de déposer les armes. Ce nouveau succès du à Bonaparte contraint l’Autriche à céder ses Pays-Bas, à renoncer au Milanais et à reconnaître la pleine possession des territoires de la rive gauche du Rhin par la France.


37- Le bilan militaire de cette première campagne d’Italie, ayant principalement opposé l’armée française d’Italie aux forces de l’Empire d’Autriche, alliées à celles du Royaume de Sardaigne, fut infiniment positif pour le jeune Bonaparte à peine âgé de 28 ans. En moins de douze mois, il parvint à détruire quatre armées autrichiennes, à donner à la France une partie du Piémont et à conquérir la totalité de L’Italie. Bien évidemment, le prestige et le poids politique de Bonaparte sortirent renforcés à la suite de cette campagne et cela à un point tel que le Directoire s’en émut. C’est dans ce contexte, pour le moins délétère, que fut prise la décision d’intervenir en Egypte (en 1798) et, tout naturellement, sous le commandement de Bonaparte. Durant l’absence du futur empereur, la France dut faire face à une deuxième coalition initiée par l’Autriche à laquelle se joignirent l’Angleterre, la Russie, la Turquie et les Deux-Siciles. S’ensuivirent (en 1799) une série de revers militaires : la République batave est compromise ; l’Italie péninsulaire et la Lombardie sont perdues. Bref ! Des territoires acquis par Bonaparte pendant la campagne de 1796-1797, il ne restait pratiquement plus rien.


38- Au retour de sa campagne d’Egypte (qui finit très mal pour la France), Bonaparte fomenta, avec l’aide de son frère Lucien, le Coup d’Etat du 18 brumaire (9 novembre 1799) qui se solda par l’abolition de la Constitution de l’an III , la dissolution du Directoire et, finalement, la fin de la Révolution française. S’ensuivit le Consulat qui fut institué par la Constitution de l’an VIII (26 décembre 1799). Cette nouvelle constitution, que l’on pourrait qualifier de ”réactionnaire” ne mentionne même pas ni les droits de l’homme ni la défense des libertés. Accentuant plus encore son pouvoir personnel, Bonaparte est désigné comme Premier consul et prend donc la tête de l’exécutif. Sur le plan européen, et à la suite de nouvelles campagnes militaires, les Autrichiens sont battus (le 14 juin 1800) à Marengo et (le 3 décembre 1800) à Hohenlinden. Le 9 février 1801, Bonaparte conclut le traité de Lunéville avec l’Autriche qui abandonne sa suzeraineté sur le Nord et le Centre de l’Italie. Le 25 mars suivant, la paix est également signée avec l’Angleterre par le traité d’Amiens. Ce traité marque la fin des hostilités. Cependant, la paix sera de courte durée...


39- Avant de nous pencher sur les guerres napoléoniennes qui vont suivre, il me paraît utile de soulever une question : la République a-t-elle voulu la guerre ? Ou, en d’autres termes : la République aimait-elle la guerre ? L’histoire montre (et les historiens semblent s’accorder sur ce point) que la Première République avait bien un caractère belliciste. De fait, elle se livra à un indéniable prosélytisme destiné à imposer à l’Europe entière ses principes révolutionnaires. D’ailleurs, ce sont bien les révolutionnaires qui ont pris l’initiative (le 20 avril 1792) de déclarer la guerre à l’Autriche. Cependant, et si les faits semblent accréditer cette thèse, il ne faut pas oublier le contexte idéologique de cette époque et se demander si les monarques européens pouvaient tolérer l’émergence d’un système politique totalement opposé aux leurs. Alors, certes, la République déclencha les hostilités mais ne fit-elle pas qu’anticiper l’inévitable ? Car, finalement, l’antagonisme entre l’Europe monarchique et la République française ne pouvait se résoudre que conflictuellement et par l’éradication de l’une des deux parties. Si, in fine, les guerres révolutionnaires opposèrent la France aux autres pays européens, elles confrontèrent bien davantage deux mondes sociaux-politiques inconciliables : l’arbitraire consubstantiel à la monarchie, notamment absolue, et la démocratie issue de la souveraineté des peuples.


40- Considérée sous cet angle, la guerre votée à la quasi-unanimité au printemps 1792 par l’assemblée législative ne procéda pas d’une velléité prosélyte mais d’un réflexe défensif des plus légitime. En effet, la solution du problème posé aux monarchies européennes consistait à restaurer le trône de Louis XVI quitte, pour ce faire, à recourir à la guerre. Les révolutionnaires pressentirent cette possibilité confortée, d’ailleurs, par la fuite avortée de Louis XVI à l’étranger (le 21 juin 1791) et par la déclaration de Pillnitz, déjà évoquée précédemment. Finalement, la République voulut avant tout sauvegarder l’héritage révolutionnaire et, au-delà, assurer la défense d’une France ayant tourné le dos à la monarchie. Mais, peut-on pour autant parler d’une volonté hégémonique ? A cet égard, le décret du 13 avril 1793 est des plus éclairants : « La convention nationale déclare, au nom du peuple français, qu’elle ne s’immiscera en aucune manière dans le gouvernement des autres puissances ; mais elle déclare, en même temps, qu’elle s’ensevelira plutôt sous ses propres ruines que de souffrir qu’aucune puissance s’immisce dans le régime intérieur de la République et influence la création de la constitution qu’elle veut se donner ». Ce décret est explicite : au nom du principe de non-ingérence, la France n’a pas l’intention d’intervenir dans les affaires intérieures des autres Etats à la condition, toutefois, qu’ils assurent et garantissent une stricte réciprocité. A ce moment, (nous sommes en 1793) l’instauration de la paix aurait été possible à la condition, cependant, que les monarchies européennes se départissent de leur aversion envers une République « infâme » laquelle, nous pouvons le supposer, les empêchait de dormir...


41- Cette aversion envers la République liée au désir de restaurer un roi en France explique les échecs diplomatiques du Directoire. Evidemment, des traités ont été signés entre la France et certains pays européens mais toujours aux conditions, souvent excessives, du vainqueur (nous aurons bientôt l’occasion de nous pencher sur les désastreuses conséquences du traité de Versailles signé en 1919). C’est ainsi que, conforté par ses victoires militaires, le général Bonaparte imposa des paix partielles qui ne pouvaient durer en raison de contraintes déraisonnables. Finalement, et les guerres napoléoniennes vont le démontrer, la République s’est laissée vassalisée par ses généraux pour lesquels seules comptaient leurs victoires militaires. Et, de fait, la République n’est pas devenue belliciste sous le Directoire : elle est devenue l’otage de ses généraux (bien plus tard, le Japon connaîtra le même destin). Ne pouvant durer que par la guerre, elle sera abolie par la guerre. Alors, peut-on affirmer que la République fut, par nature, belliciste ? Répondre par l’affirmative (comme le pense beaucoup trop d’historiens) serait travestir l’histoire au nom d’un a-priori visant à instruire le si récurrent procès intenté à la Révolution...


Napoléon 1er.

42- « Si sa main droite tenait un fusil, sa main gauche portait le code civil. » En une seule phrase, Hegel vient de résumer l’ambiguïté historique qui caractérise Napoléon. Fut-il un homme du polemos ? Du logos ? Des deux ? Fut-il le lointain descendant de Charlemagne ? Celui, plus récent, de Louis XIV ? A-t-il eu une idée européenne ? Crut-il vraiment devenir le souverain d’une Europe unie sous sa bannière ? Ou, plus prosaïquement, ne fit-il que suivre le cours d’une histoire qui le dépassait ? Et, au final, fut-il utile à l’humanité ? Comme ces questions nous le suggèrent, comprendre véritablement qui fut Napoléon n’est pas si simple. Aussi, l’évoquer requiert-il la plus grande des prudences.


43- Que Napoléon fut un homme de guerre talentueux est incontestable ! Qu’il fut un despote plus ou moins éclairé l’est tout autant ! D’ailleurs, concernant ce dernier point lisons un extrait de la lettre qu’il adressa au ministre de la police en 1805 : « Faites appeler les rédacteurs des journaux les plus lus pour leur déclarer que, s’ils continuent sans cesse d’alarmer l’opinion, je les supprimerai ; que le temps de la révolution est fini ; qu’il n’y a plus en France qu’un seul parti ; que je ne permettrai jamais que les journaux disent rien contre moi. » Ce texte, qui bafoue l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 : « Tout citoyen peut donc, parler, écrire, parler librement », illustre parfaitement l’idée qu’il se faisait de la liberté et, surtout, de la démocratie ! Pour moi : pas d’ambiguïté ! Napoléon fut un tyran comme bien d’autres ! Ceci étant, si Céline fut un antisémite de la pire espèce, il n’en fut pas moins un écrivain de grand talent. Tout autant, si Napoléon fut effectivement un despote, il fut également un grand homme au sens historique de ce terme. Cela dit, pourquoi certains hommes sont-ils dits ”grands” ? Est-ce parce qu’ils ont servi le bien commun ou, plus certainement, eux-mêmes ? Est-ce parce qu’ils étaient vertueux ou parce qu’ils savaient mieux que tout autre asservir le peuple ? Alors, avant de porter Napoléon aux nues, comme cela se pratique, si imprudemment, dans nos écoles, posons-nous ces quelques questions.


44- Géopolitiquement, Napoléon (couronné Empereur en 1804) fut, à l’instar de la République, confronté à l’hostilité de l’Europe et cela, à un point tel, que les guerres menées par les monarchies de ce continent devinrent très vite des guerres essentiellement orientées contre lui. Entre 1805 et 1815, il dut affronter cinq nouvelles coalitions, souvent initiées par l’Angleterre. La rivalité entre cet Etat et la France était telle que Napoléon envisagea d’envahir l’Angleterre avant que le désastre de Trafalgar (le 21 octobre 1805) ne l’en dissuade définitivement. Auparavant (nous sommes en 1803) l’Angleterre avait décrété un blocus naval contre la France. C’est en 1806 que Napoléon répliqua en instaurant un blocus continental contre l’Angleterre. Cette initiative, qui, politiquement, s’explique aisément, aura de lourdes conséquences par la suite.


45- Née du rapprochement de l’Autriche avec la Russie, une coalition (la troisième) rassembla ces deux pays auxquels s’ajoutèrent la Suède et l’Angleterre. La réaction de Napoléon se concrétisa lors de la bataille d’Austerlitz (le 2 décembre 1805) durant laquelle il écrasa l’armée autrichienne. C’est en 1806 qu’une nouvelle coalition (la quatrième), ayant uni l’Angleterre, la Prusse, la Russie et la Suède, se heurta à la Grande Armée napoléonienne. Cette campagne se solda notamment par l’éclatante victoire napoléonienne à Iéna, le 14 octobre 1806. Signé (le 7 juillet 1807) entre la France et la Russie, le traité de Tilsit mit un terme à ce nouveau conflit.


46- Précédemment, nous avons vu que Napoléon avait instauré un blocus continental contre l’Angleterre. Afin de consolider ce blocus (notamment compromis par l’Espagne et le Portugal), il dépêcha des troupes en Espagne dont le commerce avec l’Angleterre était particulièrement florissant. Placées sous le commandement de Junot, ces troupes avancèrent jusqu’à Lisbonne. Napoléon, étant intervenu dans les affaires intérieures de l’Espagne, les Madrilènes se soulevèrent contre l’armée française stationnée dans la capitale espagnole (le 2 mai 1808). Cette rébellion fut écrasée dans le sang par Murat et fut, notamment, évoquée par le célèbre tableau de Goya : Tres de mayo (le 3 mai.) Loin de s’alarmer, Napoléon, profitant de la vacance du trône espagnol (qu’il avait provoqué), offrit la couronne de ce pays à son frère Joseph (comme il offrit Naples à son général Murat.) A la suite de ce coup de force, l’Espagne s’embrasa et imposa aux troupes napoléoniennes une guerre d’usure (une véritable guérilla) qui dura six ans. Durant cette période, l’armée napoléonienne dut également affronter une coalition anglo-portugaise commandée par Wellington qui contraint les troupes napoléoniennes à refluer jusqu’aux pyrénées. Cette guerre (que je ne peux détailler, ici) opposa deux camps qui se distinguèrent par des atrocités commises : saccages, viols, profanations et agressions sadiques. C’est en 1808 que, pour la première fois, une armée napoléonienne fut contrainte à la capitulation. Au plan européen, cette guerre fut bien davantage qu’un grave revers militaire pour Napoléon. Elle eut également un énorme impact psychologique pour ses ennemis : l’armée napoléonienne pouvait être vaincue ! Dès lors, l’aigle n’était plus invincible !


47- En 1809, et à l’instigation de l’Angleterre, se forme une nouvelle coalition avec l’Autriche (la cinquième). Pour comprendre l’implication de l’Angleterre dans les conflits continentaux ayant opposés la France aux monarchies européennes, il faut se souvenir qu’elle se livrait avec la France à une guerre économique : blocus naval contre blocus continental. Ce conflit explique en grande partie l’intervention de Napoléon en Espagne et au Portugal comme il sera bientôt à l’origine de la tentative (désastreuse) d’invasion de la Russie. Ce point est important. En effet, il explique que l’Angleterre, tout en n’ayant pratiquement aucunes prétentions territoriales, se soit à ce point investie dans des conflits qui, au final, ne pouvaient que s’avérer stériles pour elle. Bien sur, la ”perfide Albion” avait perdu ses colonies américaines (à la suite de la guerre d’indépendance survenue entre 1775 et 1783) mais sa marine régnait en maître sur toutes les mers du globe ce qui, à cette époque, revenait à dominer le monde. De son coté, et en dépit de ses incontestables talents militaires, Napoléon ne pouvait nourrir une telle prétention car son terrain de chasse était beaucoup plus restreint : l’Europe. La guerre menée contre la cinquième coalition fut notamment marquée par la défaite napoléonienne d’Essling et par la victoire de Wagram (5 et 6 juillet 1809). Ce nouveau conflit s’est achevé par un nouveau traité : celui de Schönbrunn, signé le 14 octobre 1809. A ce moment, l’Empire français atteint son apogée. Mais cette extension territoriale sera de courte durée...


48- En effet, c’est en 1812 que se forme une sixième coalition réunissant, cette fois-ci, l’Angleterre (comme toujours), la Russie rejointe plus tard par la Suède, l’Autriche et un certain nombre d’Etats allemands. Alors que la Russie était alliée à la France (depuis le traité de Tilsit), le tsar Alexandre 1er refusa de coopérer avec Napoléon et surtout d’appliquer le blocus continental contre l’Angleterre. Considérant la guerre inévitable, Napoléon décida alors d’envahir la Russie en 1812. L’histoire montre (et c’est quasiment un euphémisme) que Napoléon aurait été mieux inspiré s’il s’était abstenu. Cette nouvelle campagne militaire (que je ne puis développer ici) s’est achevée par un désastre : la retraite de Russie. En effet, et en dépit de leur inutile héroïsme, sur les 600000 hommes qui participèrent à cette campagne, seules quelques dizaines de milliers parvinrent à franchir la Bérézina. La Grande armée était détruite.


49- Sans doute rassurée par le désastre militaire que vient de subir Napoléon, la Prusse entre en guerre aux cotés des coalisés. Cependant, Napoléon a eu le temps de reconstituer une armée qui parvient à triompher lors des batailles de Lützen (le 2 mai 1813) et de Bautzen (les 20 et 21 mai.) Seulement, et en dépit des fortes pertes humaines infligées à ses ennemis, ces victoires ne lui permirent pas d’obtenir un ascendant suffisant. Toutefois, et au lendemain d’un armistice signé le 4 juin, les hostilités reprennent et se soldent par une nouvelle victoire napoléonienne à Dresde. Mais, une fois encore, l’avantage acquis ne fut pas définitif. C’est ainsi que lors de la bataille de Leipzig, non seulement Napoléon est battu mais est également contraint à faire retraite.


50- Peut-être lassés par ces guerres épuisantes et coûteuses tant en hommes qu’économiquement, les monarques coalisés décident d’en finir une fois pour toutes avec la Révolution française et surtout avec Napoléon qu’ils appellent : l’Usurpateur. Cependant, et malgré une nette infériorité numérique, l’armée napoléonienne parvient à battre les coalisés lors des batailles de Champaubert, Montmirail, Mormant et Montereau. Loin de se décourager, les coalisés s’engagent, par le traité de Chaumont (9 mars 1814), à rester unis jusqu’à la défaite totale de leur ennemi. Cette fois-ci, le talent militaire de Napoléon sera de peu de secours : les coalisés parviennent à entrer dans Paris et contraignent l’Empereur à abdiquer. Cette humiliation s’est déroulée le 6 avril à Fontainebleau suivie par le premier traité de Paris signé le 30 mai. (Un deuxième traité sera signé l’année suivante (le 20 novembre) au terme des ”Cent jours”.)


51- Sans doute les anciens coalisés pensèrent-ils imprudemment avoir reglé la question napoléonienne. Quelques mois ont suffit pour leur faire comprendre à quel point ils avaient eu tort ! En effet, c’est le 1er mars 1815, qu’après s’être extirpé de l’Ile d’Elbe (où il vivait en exil), que Napoléon foule à nouveau le sol de France. S’ensuivi son retour à Paris (après avoir emprunté la route Napoléon), et la fuite de Louis XVIII qui était monté sur le trône de France. Aussitôt, une septième coalition rassemble l’Angleterre, la Russie, la Prusse, la Suède, l’Autriche, les Pays-Bas et de nombreux Etats allemands contre la France. Bref ! La quasi-totalité de l’Europe ! Déclaré ”hors-la-loi”, Napoléon doit affronter les armées des coalisés et parvient même à battre les Prussiens lors de la bataille de Ligny (le 16 juin 1815.) En dépit de quelques autres succès, Napoléon ne parviendra pas à éviter un nouveau désastre : Waterloo le 18 juin 1815 ! Même si, au lendemain de cette terrible défaite, l’Empereur aurait pu continuer la lutte, sa chute est précipitée par une impossibilité politique de se maintenir au pouvoir. Dès lors, une seconde abdication devint inévitable. Survenue le 22 juin 1815, cette deuxième humiliation précéda un nouvel exil, imposé par les coalisés, sur le rocher isolé de Sainte-Hélène. En France, et par le truchement de Louis XVIII, la deuxième Restauration des Bourbons pouvait commencer...


52- Au tout début de cette évocation de l’épopée napoléonienne, j’ai cité Hegel selon lequel la main droite de Napoléon tenait un fusil alors que sa main gauche portait le code civil. A la suite de ce rappel, je me suis demandé si Napoléon était un homme du polemos, du logos ou des deux. Le moment est venu, me semble-t-il, d’approfondir ce questionnement. Qu’il fut un homme du polemos paraît relever de l’évidence ! En effet, les guerres dites napoléoniennes suffisent à elles seules pour nous dissuader du contraire. Ceci étant, une question se pose : compte tenu du contexte géopolitique de l’époque, a-t-il eu véritablement le choix ? Après tout, et nous allons y revenir, ne fut-il pas le continuateur d’une Révolution française inacceptable et honnie par les vieilles monarchies européennes ? Car, et ne l’oublions pas, cette révolution fut bien plus qu’un évènement historique parmi d’autres. Bien au contraire, elle fut une véritable ”révolution copernicienne” ayant fondamentalement remis en cause un ordre ancien au profit d’un ordre nouveau dont les contours furent longtemps mal définis. Ceci étant, il fut incontestablement animé par une volonté hégémonique et rêva, sans doute, de devenir le souverain suprême de l’Europe. Alors, oui ! Et à l’instar de Louis XIV, il mena des guerres meurtrières dont le bilan fut loin d’être glorieux. En effet, et malgré moult conflits, les frontières de la France, qu’il légua à Louis XVIII, étaient identiques (à quelques modifications près) à celles de 1790 ! Tant de morts (entre 4000000 et 7000000, selon les diverses estimations) pour en arriver là ! (Un autre, bien plus tard, en causera 50000000 pour un résultat encore pire...) « Qu’est-ce que l’homme ? » Posa la quatrième question kantienne. En voici un aperçu des plus éclairant.


53- Maintenant, une question se pose : Napoléon fut-il un adversaire acharné de la Paix ? Le début d’une lettre adressée aux anglais semble suggérer le contraire : « La guerre qui depuis huit ans, ravage les quatre parties du monde, doit-t-elle être éternelle ? N’est-il aucun moyen de s’entendre ? Comment les deux nations les plus éclairées de l’Europe, puissantes et fortes plus que ne l’exigent leur sûreté et leur indépendance, peuvent-elles sacrifier à des idées de vaine grandeur, le bien du commerce, la prospérité intérieure, le bonheur des familles ? (...) » D’évidence écrite à des fins politiques, cette lettre révèle, malgré tout, un certain souci d’apaisement voire de concorde. Malheureusement, l’histoire nous a montré qu’elle fut bien inutile... Mais, finalement, pouvait-il en être autrement au sein d’une Europe politiquement divisée mais, par contre, unie par une haine inextinguible nourrie à l’égard de l’Empereur ? C’est pourquoi il fallut attendre le congrès de Vienne (du 18 septembre 1814 au 9 juin 1815) pour que l’Europe, dont les contours ont été redessinés, jouisse d’une paix relative du moins, jusqu’à la guerre de 1870.


54- Sur le plan intérieur, le bilan de la politique napoléonienne est tout aussi contrasté. Prenons pour seul exemple le Code civil, publié en 1804 mais dont la rédaction fut amorcée sous la Révolution. De prime abord, ce texte semble inspiré par des idées progressistes (ou libérales, notamment au sens de Maine de Biran : « Le libéralisme est une doctrine favorable au développement des libertés » et non au sens actuel de ce terme.) Le Code civil préconise, par exemple, l’égalité devant  l’impôt, la conscription (instaurée, rappelons le, au lendemain de la bataille de Valmy), la liberté d’entreprise et de concurrence, la disparition de l’aristocratie féodale et, en principe, l’égalité devant la loi. Toutefois, et dans les faits, il fut loin d’être aussi positif. Que l’on en juge : suppression de la liberté d’expression, de réunion, surveillance accrue de la population (sous la houlette de Fouché.) Par ailleurs, l’égalité proclamée dans le code civil n’est pas respectée : la citoyenneté, au sens politique, des femmes n’est toujours pas reconnue et, de surcroît, est maintenu leur dépendance vis à vis de leur mari, l’esclavage est rétabli dans les colonies. Se rajoute l’instauration des préfets et celle du conseil d’Etat (équivalents aux intendants et au conseil du roi de l’Ancien Régime.)


55- Toutefois, si Napoléon a, de facto, aboli la République (en devenant, notamment consul à vie puis, Empereur) et s’il a supprimé bon nombre d’acquis révolutionnaires, il n’a pas, pour autant, totalement renié la Révolution. C’est ainsi que les guerres impériales ont imposé dans tous les pays conquis les notions révolutionnaires intégrées dans le Code civil. Et ceci explique que Napoléon fut considéré comme le libérateur de l’Europe, du moins jusqu’aux guerres contre la quatrième coalition (commencées en 1806) qui modifièrent profondément ses objectifs initiaux. Alors, Napoléon fut-il également un homme du logos porté par un idéal politico-juridique ? Peut-être... En tout cas, c’est l’une de ses éventuelles vertus que la postérité à retenu...


Louis XVIII.

56- C’est donc le 8 juillet 1815 (après les Cent jours) que la France renoue durablement avec la monarchie. Ceci étant, il ne s’agit plus d’une monarchie absolue mais d’une monarchie parlementaire inspirée par le modèle anglais. La transition entre le premier empire et le retour de la monarchie fut facilité par le pragmatisme du petit-fils de Louis XV : Louis XVIII. En effet, il a réussi à maintenir un équilibre politique entre les libéraux et les ultra, nostalgiques de l’ancien régime (il alla même jusqu’à dissoudre une première chambre ultra en 1816 : la chambre introuvable.) En fait, Louis XVIII fut un roi modéré qui a tenté d’établir un compromis entre les acquis de la Révolution, liés à ceux de l’Empire napoléonien, avec les valeurs moribondes de l’Ancien Régime. C’est ainsi que, rédigée sous son autorité, la Charte constitutionnelle de 1814 reprend des articles de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789. A titre d’exemple, comparons l’article premier de la Charte : « Les Français sont égaux devant la loi, quels que soient d’ailleurs leurs titres et leurs rangs » avec l’article No6 de la Déclaration des Droits de l’Homme : « La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. » Ou, encore, notons la parenté entre l’article No4 de la Charte : « Leur liberté individuelle est également garantie, personne ne pouvant être poursuivi ni arrêté que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu’elle prescrit » avec l’article No7 de la Déclaration : « Nul ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. »


57- C’est ainsi que, et contrairement à son successeur Charles X, Louis XVIII semble avoir compris l’ampleur des conséquences politiques de la Révolution française et surtout que l’ancien monde, dont il était l’un des héritiers, était révolu. En effet, la Révolution fut bien plus que la révolte des opprimés. Elle fut, avant tout, un évènement majeur de l’histoire occidentale qui imposa des valeurs libérales délaissées jusque là. L’article premier de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » a ébranlé l’absolutisme du XVII siècle. La séparation des trois pouvoirs (puissance législative, puissance exécutrice et puissance du droit) prônée par Montesquieu : « Tout serait perdu, si le même homme (...) exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire les lois, celui d’exécuter les résolutions, et celui de juger les crimes ou les différents des particuliers » (L’esprit des lois. p. 295) a compromis la perpétuation de l’arbitraire monarchique, même si cet arbitraire parvint à survivre quelque temps encore, notamment dans des Etats absolutistes comme l’Autriche, la Prusse et la Russie. Un processus, inédit en Occident (à l’exception notable de la Constitution américaine rédigée entre 1787 et 1789), était devenu irréversible et la vindicte anti-révolutionnaire des rois (et de l’aristocratie dominante), obnubilés par leurs privilèges, n’y pouvait rien changer. Finalement, les ”Lumières” vont triompher...


58- Sur le plan européen, le règne de Louis XVIII est surtout marqué par l’expédition d’Espagne survenue entre le mois d’avril 1823 et le mois de novembre de la même année. Cette intervention française ne s’est pas inscrite dans un processus hégémonique mais fut décidée afin de rétablir le roi d’Espagne Ferdinand VII sur son trône remis en cause, depuis 1820, par un soulèvement populaire conduit par les libéraux (une fois encore, ne pas confondre l’acception de ce dernier terme en usage au XIX siècle avec son sens usuel aujourd’hui.) En effet, dans cette Europe post-napoléonienne secouée par des mouvements démocrates, le monarque espagnol, soutenu par ses partisans, dut faire face à un mouvement révolutionnaire inspiré, sans aucun doute, par la Révolution française. Impuissant devant la force de la contestation populaire, Ferdinand VII demanda l’aide de la France qui finit par envoyer un corps expéditionnaire afin de le soutenir. A la suite de combats, souvent âpres, menés contre les libéraux, ceux-ci finirent par capituler et, conséquemment, rendirent à Ferdinand VII son trône et le pouvoir absolu qui lui était consubstantiel. Ce fut le début de la décennie abominable pour l’Espagne et, pour la France, un succès pour les ultra soutenus, entre autres, par Chateaubriand qui se ravisera, mais plus tard. Cet épisode illustre la solidarité établie entre les monarchies européennes, à la suite du congrès de Vienne et de l’instauration de la Sainte-Alliance (1815) afin de préserver la paix en Europe et, surtout, de contrer les velléités révolutionnaires des peuples concernés.


59- Que dire du frère de Louis XVIII (Charles X) qui lui succéda en 1824  sinon que ce nostalgique de l’Ancien Régime se rangea du coté des ultra-royalistes farouchement opposés à la Charte de 1814 ? (Evoquée précédemment, cette charte fut rédigée sous le règne de Louis XVIII.) Contrairement à Louis XVIII, Charles X n’a pas compris que l’Ancien Régime avait vécu et que le peuple n’était pas disposé à supporter son éventuel retour. C’est pourquoi des lois telles que celle sur le sacrilège, la concession d’indemnités aux émigrés royalistes (loi dite du ”milliard des émigrés”), le licenciement de la garde nationale, le rétablissement de la censure (1825/1827), le projet de rétablissement du droit d’aînesse et, pour finir, les inconstitutionnelles ordonnances de Saint-Cloud, provoquèrent la révolte des ”trois glorieuses” (27, 28 et 29 juillet 1830) qui renversa Charles X. C’est ainsi qu’à la suite de cette ”révolution de juillet”, Charles X, le dernier des Bourbons ayant régné sur le royaume de France, fut contraint d’abdiquer le 2 août.


60- La politique extérieure de Charles X est marquée par son intervention (en 1828) aux cotés du Royaume-Uni et de la Russie dans le conflit ayant opposé la Grèce à l’Empire ottoman. (L’Algérie étant un pays extérieur à l’Europe, je n’aborderais pas l’intervention française le concernant.) C’est le 25 mars 1821 que les Grecs se révoltèrent contre la domination ottomane. S’ensuivit une série de victoires militaires grecques interrompue en 1824 par l’entrée en guerre de l’Egypte. Renforcés par cette alliance, les Ottomans parvinrent à redresser une situation particulièrement délicate pour eux jusqu’à la bataille de Navarin durant laquelle la flotte turco-égyptienne fut entièrement détruite par celle des Alliés russes, français et britanniques. Ces interventions européennes accélérèrent la création de l’Etat grec. Et, c’est au cours de la conférence de Londres (en 1830) que fut entérinée l’indépendance de ce nouvel Etat.


61- Manifestement plus ”éclairé” que son prédécesseur, et surtout moins ”borné”, le nouveau monarque de la ”monarchie de juillet”, Louis-Philippe 1er, devenu « roi des Français » (et non plus roi de France) en 1830, a tenté de pacifier un Etat profondément divisé. Pour ce faire, il a mis en place un régime parlementaire, facilité l’accession de la bourgeoisie aux affaires manufacturières et financières et encouragea ainsi un essor économique essentiel durant cette période de la France (révolution industrielle.) Toutefois, Louis-Philippe 1er a commis une faute politique lourde de conséquences pour son règne. En effet, il n’a pas compris que le peuple était assoiffé de souveraineté, pilier essentiel de la démocratie. Louis-Philippe 1er et ses gouvernements auraient du comprendre à quel point il était urgent de conduire une réforme électorale afin de sortir du système censitaire (qui privilégiait les riches propriétaires terriens et, d’une manière plus générale, la bourgeoisie.) Aveuglé, sans doute, par l’arrogance liée à sa fonction, Louis-Philippe 1er n’a pas tenu compte de la ”campagne des banquets” organisée par l’opposition afin d’obtenir une inévitable réforme électorale. Plus encore, il a cautionné l’interdiction du banquet de clôture prévu à Paris le 22 février 1948, banquet organisé afin de réclamer l’instauration du suffrage universel. Liée à une grave crise sociale due à une désastreuse situation économique, cette faute politique majeure a provoqué la révolution de 1848 qui a conduit Louis-Philippe 1er à abdiquer. A la monarchie de juillet va succéder la IIe République.


62- A en juger par ”l’Entente cordiale” établie afin de rapprocher l’Angleterre de la France, la politique extérieure conduite par Louis-Philippe 1er a été des plus conciliante. Par conséquent, nulle guerre européenne n’est à déplorer sous son règne. Ce qui ne sera pas le cas de son successeur Louis Napoléon Bonaparte...


Napoléon III.

63- C’est en 1848 (le 10 décembre) que le neveu de Napoléon 1er, Charles Louis Napoléon Bonaparte (qui deviendra Napoléon III en 1852) est élu président de la deuxième République. (Grâce, notamment, au soutien des hommes politiques conservateurs et à l’aura, toujours présente, de son oncle Napoléon 1er.) Toutefois, et dès le lendemain de son élection, son ambition politique se heurta à un obstacle constitutionnel qui limitait la durée du pouvoir présidentiel à un seul mandat. L’assemblée nationale ayant refusé de modifier la constitution, il passa outre et décréta sa dissolution (véritable habitude chez les Bonapartes, semble-t-il, ce véritable coup d’Etat eut lieu dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851.) Il rédigea ensuite une nouvelle constitution peu démocratique mais rétablit un suffrage universel (excluant les femmes, comme cela ira de soi jusqu’en 1945...) avant de faire ratifier son régime par voie référendaire. En 1852 (le 2 décembre), il organisa un nouveau plébiscite qui ouvrit la voie au second Empire et mit un terme définitif à la deuxième République.


64- Il est communément admis que le règne de Napoléon III se divisa en deux périodes. La première, (entre 1852 et 1860) est qualifiée d’autoritaire alors que la seconde (entre 1860 et 1870) est considérée comme plus libérale. De fait, et avec le soutien du parti de l’Ordre, il mena une politique autoritaire et ultraconservatrice jusqu’à ce que le mécontentement d’une opposition croissante le conduise à infléchir sensiblement sa politique intérieure. Ce changement d’orientation se traduisit, entre autres, par la promulgation de lois sur la liberté de la presse et la liberté de réunion. Sur le plan économique, sa politique fut des plus bénéfiques pour la France. C’est ainsi, par exemple, que furent créées des grandes banques telles que le Crédit Lyonnais (1863) ou la Société générale (1864.) Toujours dans ce domaine, Napoléon III encouragea la modernisation des transports, surtout ferroviaires, et celle des infrastructures, notamment la modernisation de Paris (sous la direction du Baron Haussmann.) C’est également à cette époque qu’émergèrent de grands magasins : le Bon Marché, le Bazar de l’Hôtel de Ville, le Printemps et la Samaritaine. Floraison qui témoigna de la bonne santé économique du pays. Finalement, la politique économique de Napoléon III ne fut pas si négative comme, d’ailleurs, sa politique en matière d’instruction publique. A titre d’exemple, évoquons l’obligation instaurée pour chaque commune de 500 habitants d’ouvrir une école pour filles, l’extension de la gratuité de l’enseignement public du premier degré à 8000 communes, la création d’un certificat d’études primaires sanctionnant la fin du cycle élémentaire et le développement de bibliothèques scolaires. A ces importantes réformes, s’en ajouta une autre concernant, cette fois-ci, les programmes scolaires : obligation d’enseigner l’histoire et la géographie, réintroduction de la philosophie dans le secondaire, les langues vivantes, le dessin, la gymnastique et la musique.


65- La politique extérieure de Napoléon III est marquée par le souci d’affirmer le prestige de la France. C’est dans cette perspective qu’il proposa à la Grande-Bretagne de s’associer avec lui afin de soutenir l’Empire ottoman en guerre contre la Russie. Politiquement, cette initiative s’explique par le souci de Napoléon III d’effacer l’hostilité de la Grande-Bretagne qui avait été l’une des origines de la chute de Napoléon 1er. De cet engagement conjoint de la France et de la Grande-Bretagne résulta la guerre de Crimée (1854-1855.) Cette guerre se solda par la chute de Sébastopol (le 8 septembre 1855) qui préfigura la défaite des Russes, défaite entérinée par un traité de paix signé le 30 mars 1856. Sur le plan géopolitique, la progression russe, vers les détroits (Bosphore et Dardanelles), a été stoppée. De son coté, la France de Napoléon III a acquis un prestige moral incontestable qui a effacé, en partie, la honte des traités de 1815. D’une manière plus générale, la guerre de Crimée a permit à Napoléon III de jeter les bases de sa politique extérieure et de rétablir la France sur la scène européenne et, surtout, de sortir de son isolement international qui perdurait depuis la chute de Napoléon 1er.


66- Au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, Napoléon III intervint en Italie en s’engageant contre l’Autriche afin de mettre un terme à sa domination sur ce pays alors morcelé en divers duchés, principautés et royaumes. Toutefois, l’Empereur se heurta à l’objection des militaires qui considéraient cette campagne trop aléatoire. A cette inquiétude, s’ajouta la crainte d’une atteinte à la souveraineté du pouvoir temporel du pape si l’Italie réalisait son unification. Ce fut l’attentat manqué d’Orsini qui trancha le dilemme en convainquant Napoléon III d’intervenir militairement. Coûteuse en vies humaines et marquée par les victoires françaises de Magenta et Solferino (en 1859), cette campagne fut suspendue par Napoléon III en raison de l’importance des pertes françaises et un risque certain d’enlisement auquel se greffa l’appréhension suscitée par la mobilisation de la Prusse. Les négociations qui s’ensuivirent aboutirent au traité de paix signé à Zurich le 11 novembre 1859 au terme duquel l’Autriche renonça à la Lombardie mais conserva la Vénétie. Bien qu’incomplète, l’unité italienne fut quand même réalisée grâce, notamment, à l’énergique implication de Giuseppe Garibaldi. C’est donc le 14 mai 1861 que fut proclamé le royaume d’Italie sous le sceptre de Victor-Emmanuel.


67- Pour Napoléon III, le bilan de cette politique italienne fut mitigé. En effet, ses succès militaires ont renforcé l’hostilité de l’Autriche et de la Prusse tandis que l’Italie, certes devenue un Etat indépendant, était affectée par une grande fragilité tant politique qu’économique. Par contre, la France a obtenu l’annexion du comté de Nice et celle de la Savoie. Ce transfert de souveraineté fut entériné lors de la signature du traité de Turin (mars 1860) et par voie référendaire dans les deux provinces concernées.


68- Plus à l’Est, les velléités hégémoniques (sur l’Allemagne) du chancelier Bismarck et de son roi Guillaume 1er vont se traduire par un nouveau conflit préfiguré, d’ailleurs, en 1862, par une déclaration de Guillaume : « Quand notre armée sera assez forte, je saisirai la première occasion pour liquider notre différent avec l’Autriche, dissoudre la Confédération germanique et doter l’Allemagne de l’unité nationale sous la conduite de la Prusse. » On pouvait difficilement être plus clair ! En fait, l’origine du différent évoqué à l’instant par Guillaume était déjà ancienne (1740) et concernait la suprématie politique en Allemagne, suprématie revendiquée à la fois par la Prusse et l’Autriche. Aussi, et dans un tel contexte, n’est-il guère surprenant qu’un conflit soit survenu, sur l’initiative de la Prusse soutenue par le jeune Etat italien qui souhaitait, parallèlement, annexer la Vénétie toujours sous mandat autrichien. (Note : cette revendication s’inscrivait dans ce que l’on appelle ”l’irrédentisme italien” ou ”pan-italianisme”. L’irrédentisme peut se traduire par : intégration) Les hostilités débutèrent le 9 juin 1866 lorsque les troupes prussiennes occupèrent le Holstein sans qu’aucun pays (la France comprise) ne vienne en aide à l’Autriche.. S’ensuivit une série de bataille dont la dernière fut celle de Sadowa. Véritable désastre militaire subi par l’Autriche, cette bataille marqua la fin de la lutte de pouvoir entre cet Etat et la Prusse au sein du monde germanique. Suite au traité de Prague, l’Autriche fut contrainte d’accepter la dissolution de la Confédération germanique. La Prusse eut alors tout loisir de créer la Confédération de l’Allemagne du Nord et d’imposer son roi comme président permanent. Prudemment et, surtout, dissuadée par la France, elle se garda de rattacher les Etats allemands du Sud. L’intégration de ces derniers, qui parachèvera l’unité allemande, sera réalisée au terme de la guerre franco-prussienne de 1870. De son coté, et conformément à son souhait, l’Italie consolida son unité en annexant la Vénétie.


69- La victoire prussienne de Sadowa avait résonné en France « comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. » Cependant, le personnel politique de l’époque ne mesura pas les conséquences qui allaient en découler : « Un grand peuple comme le nôtre, déclara même Napoléon III, n’a rien à craindre de l’unification de l’Allemagne. » (Plus tard, en 1938, on retrouvera ce même aveuglement, face à Hitler, durant les accords de Munich...) Désormais, la France était confrontée à un redoutable ennemi sur sa frontière Est : une Allemagne partiellement unifiée sous la domination de la puissance militaire prussienne. Toutefois, et en dépit de ce manque de lucidité, à la fois politique et militaire, des voix s’élevèrent (« Revanche pour Sadowa ! ») afin de stopper le processus d’unification de l’Allemagne ce qui provoqua la guerre franco-prussienne de 1870. C’est ainsi, qu’annonciatrice des revers à venir, Sadowa s’inscrivit dans la descendance de Waterloo, annonça Sedan, la Marne et, plus tard encore, le mois de juin 1940.


70- Précédemment, nous avons vu que la ”défenestration de Prague” (23 mai 1618) fut le casus belli qui déclencha la guerre de Trente Ans (1618-1648.) Dans un même ordre d’idées, et quasiment un siècle et demi plus tard, la dépêche d’Ems fut également un casus belli qui provoqua la guerre de 1870 ayant opposé la France et la Prusse (ou l’Allemagne, si l’on préfère.) Assez paradoxalement, ce conflit n’est pas né dans l’un de ces deux Etats mais dans un troisième : l’Espagne. En effet, c’est en 1868 qu’un coup d’Etat avait chassé la reine Isabelle II du trône de ce pays ; trône, dès lors, devenu vacant. En 1870, la couronne fut offerte au prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen, un cousin catholique du roi de Prusse Guillaume 1er. Bien que réticent, mais cédant à la pression de son Premier ministre, le chancelier Bismarck, Guillaume 1er consentit à soutenir son cousin. A la suite de fuites diplomatiques, la France fut informée de ces tractations. Pour Napoléon III et son gouvernement, la montée sur le trône d’Espagne par un cousin de Guillaume 1er était inacceptable. En effet, la France se serait retrouvée encerclée par les Prussiens : à l’est par le royaume de Prusse et au sud par l’Espagne qui, dans cette hypothèse, serait devenue prussienne. Pour le moins curieuse, cette involution politique aurait rétabli l’encerclement de la France tel qu’il existait durant le Saint-Empire romain germanique et contre lequel François 1er et Louis XIV avaient notamment combattu. Très logiquement, l’ambassadeur de France en Prusse fut chargé d’informer le roi Guillaume 1er de la ferme opposition française et l’incita donc à renoncer. Egalement informé des réticences anglaise et russe, le roi de Prusse informa courtoisement l’ambassadeur de France de sa décision de ne plus soutenir son cousin. Les choses auraient pu en rester là car, après tout, la France avait obtenu satisfaction. Seulement (nous sommes le 12 juillet), le duc de Gramont, ministre des Affaires étrangères français prend, et de son propre chef, une initiative qui sera très lourde de conséquences. En effet, il télégraphie à l’ambassadeur de France pour lui demander de rencontrer, une nouvelle fois, le roi de Prusse afin d’exiger une réponse non seulement verbale mais écrite. Après une première entrevue durant laquelle le roi informe l’ambassadeur que, pour lui, l’affaire est close, le Français insiste mais, cette fois-ci, se fait éconduire par l’intermédiaire d’un aide de camp. En même temps, Guillaume 1er, en cure dans la station thermale de Bad Ems, fait télégraphier à Bismarck un compte rendu très précis de ses entretiens avec l’ambassadeur de France.


Bismarck.

71- C’est dans ce contexte, et afin de poursuivre l’unification de l’Allemagne, que Bismarck considéra indispensable d’entrer en guerre contre la France. Seulement, voulant éviter que la Prusse endosse la responsabilité du conflit, il va manipuler les Français afin de les acculer à la guerre. Pour ce faire, il modifia le télégramme de Guillaume 1er afin de le rendre inacceptable aux yeux des Français : « Tel quel, déclara-t-il, ce texte produira sur le taureau gaulois l’effet d’un tissu rouge. » Puis, et afin de d’accentuer encore le ressentiment français, il fit parvenir (le 13 juillet 1870) ce nouveau télégramme remanié (la dépêche d’Ems) à toutes les ambassades d’Europe. Etant sans doute allée au-delà de ses espérances, la publicité donnée à cette dépêche déclencha des manifestations nationalistes dans les deux pays. En France, le camp des pacifistes (notamment porté par Thiers) est submergé par celui des bellicistes assoiffés de guerre et, surtout, complètement inconscients de la puissance militaire prussienne. Pourtant, la paix aurait pu être sauvée. Il aurait simplement suffit d’attendre la réception de toutes les pièces diplomatiques pour savoir ce qui s’était vraiment passé et ce que désirait véritablement le roi de Prusse : « Je ne crois pas, lança Thiers à une assemblée hostile à ses arguments, que le roi de Prusse ait voulu nous faire un outrage ! Je demande la production des pièces sur lesquelles on se fonde encore pour se dire outragé. Patientons vingt-quatre heures. Monsieur Benedetti (l’ambassadeur français détaché en Prusse) sera parmi nous et nous saurons la vérité. » Le coté tragique de l’inutile guerre qui s’ensuivra, c’est qu’elle n’avait aucune cause sinon celle d’une dynamique engendrée et entretenue par le camp des bellicistes des deux bords appuyés et soutenus par une opinion publique pour le moins revancharde. Suivi par son cousin, Guillaume 1er avait renoncé au trône d’Espagne. N’était-ce donc pas là l’essentiel ? Hé bien ! Non ! Et le combat désespéré mené par Thiers pour sauver la paix s’est avéré bien inutile : « Est-il vrai, demanda-t-il au gouvernement, que votre réclamation ayant été écoutée sur le fond, c’est à dire sur la candidature Hohenzollern, vous rompez sur une question de susceptibilité ? Voulez-vous qu’on dise que pour une question de forme vous vous êtes décidés à verser des torrents de sang ? » En dépit de tout, et insensible aux arguments de Thiers, c’est le 19 juillet que le gouvernement prit la responsabilité de déclarer la guerre à la Prusse. Dès lors, la France fut en position d’agresseur ce qui la priva de ses alliances purement défensives avec l’Autriche, l’Italie et l’Angleterre. Guidé, une nouvelle fois, par son habituelle lucidité, Thiers déclara : « Je connais l’état militaire de la France et celui de la Prusse. Nous sommes perdus. »


72- Comme l’avait si bien pressenti Thiers, dès le début des hostilités, les armées françaises accumulèrent de retentissants échecs. Que l’on en juge : la division du général Douay fut anéantie à Wissembourg (le 4 août) ; Mac Mahon fut battu à Froeschwiller (le 6 août) ; Strasbourg fut assiégée et bombardée du 13 août au 28 septembre 1870. De plus, et à l’instar du sort de François 1er au terme de la bataille de Pavie (1525), Napoléon III est fait prisonnier après sa lourde défaite lors de la bataille de Sedan (le 2 septembre 1870.) Dès lors, le deuxième empire était perdu et c’est le 4 septembre que fut proclamée la IIIe république. Toutefois, le gouvernement de la Défense Nationale, mis en place ce même jour, décide de poursuivre la lutte contre les Prussiens. Cependant, et en dépit de l’héroïsme des armées françaises reconstituées, la guerre sera perdue. Dès le 19 septembre, Paris est assiégée et tombera le 29 janvier 1871. Le gouvernement n’a d’autre choix que de demander l’armistice. Débutés à Versailles, les préliminaires de paix se solderont par le traité de Frankfort signé le 10 mai 1871. Outre de lourdes indemnités financières, la France perd l’Alsace-Lorraine qui entre dans la sphère germanique. Entre les mois de mars et mai de l’année 1871, s’est déroulée (à Paris) une révolution populaire (la Commune) générée par les rigueurs imposées par le siège de la ville et la rancœur suscitée par la déroute militaire. Mais, et comme cela était prévisible, une sanglante répression (menée par Thiers) accompagnera la défaite des insurgés.


73- Conformément au désir de Bismarck, la victoire de l’Allemagne sur la France marque l’achèvement de l’unité allemande. Les Etats du Sud rejoignent la Confédération de l’Allemagne du Nord qui devient, dès lors, l’Empire allemand. Le roi de Prusse, Guillaume 1er,, est proclamé empereur d’Allemagne dans le château de Versailles (le 18 janvier 1871.) Si ce n’est géopolitiquement, la France finira par se relever mais devra vivre sous la menace d’un puissant empire germanique omniprésent sur sa frontière Est. De fait, et comme nous allons le voir, la paix en Europe était encore loin d’être préservée. En effet, la défaite et la perte de l’Alsace-Lorraine (l’Alsace-Moselle, devrait-on plutôt dire) générèrent et perpétuèrent en France un sentiment de frustration. Durable et extrême, cet état d’esprit contribua, du moins en France, à l’échec du pacifisme et, conséquemment, à l’entrée du pays dans la Première Guerre mondiale.


74- Indirectement, la guerre franco-prussienne eut une conséquence politique non-négligeable : l’achèvement de l’unité italienne. En effet, en protégeant Rome, les troupes françaises du Second Empire pérennisaient la souveraineté pontificale sur la ville. En raison des impératifs dus à la guerre avec la Prusse, l’évacuation de ces troupes facilita l’annexion de Rome par l’Italie (le 20 septembre 1870.) C’est au terme de ce transfert de souveraineté que la ville devint la capitale du pays. Par voie de conséquence, le pape cessa d’être un souverain temporel jusqu’à la signature des Accords de Latran (1929) qui établirent sa souveraineté sur la cité du Vatican.


1ère guerre mondiale.

75- « La plus monumentale ânerie que le monde n’ait jamais faite, déclara le Maréchal Lyautey dès le début des hostilités survenu en 1914 ». Euphémisme s’il en est, cette ”ânerie” coûta la vie à presque vingt millions de personnes... Si l’assassinat (commis à Sarajevo le 28 juin 1914) de l’archiduc autrichien François-Ferdinand et de son épouse, Sophie de Hohenberg, par le nationaliste serbe Gavrilo Princip est considéré comme le casus belli ayant déclenché la guerre de 1914/1918, beaucoup de conditions étaient réunies en Europe pour que survienne ce terrible conflit. En tout premier lieu, et dès la fin du XIX siècle, les peuples européens étaient empreints d’un fort sentiment nationaliste. Or, si le patriotisme est l’amour des siens, le nationalisme est la haine des autres. En France, et depuis la lourde défaite de 1870, existait un profond désir de revanche contre l’Allemagne afin de récupérer l’Alsace et la Lorraine perdues durant ce dernier conflit. De son coté, et indépendamment de son pangermanisme exacerbé (note : le pangermanisme est un mouvement politique irrédentiste – ou intégrationniste – né au XIX siècle afin de réaliser l’unité de tous les germanophones d’Europe. Hitler en fera l’usage que l’on sait), l’Allemagne, et en raison de l’essor de son économie, cherchait des débouchés afin d’écouler ses produits. Toutefois, elle se heurta, notamment en Afrique, au leadership franco-anglais fortement implanté sur ce continent. C’est d’ailleurs dans ce contexte que l’empereur Guillaume II tentera par deux fois, mais sans y parvenir, de ravir le Maroc à la France : ”coup de Tanger” en 1905 et ”crise d’Agadir” en 1911. C’est au cœur de cette atmosphère, pour le moins belliqueuse, que se constituèrent deux alliances majeures. D’une part, la ”Triple Entente” composée du Royaume-Uni, de la France et de l’Empire russe soutenus plus tard par le Japon, l’Italie, le Portugal, la Roumanie, les Etats-Unis et la Brésil et, d’autre part, la ”Triple Alliance” ou ”Triplice” (également appelée : Empires Centraux) composée, elle, de l’Empire allemand, l’Empire austro-hongrois et l’Italie (cette dernière restera neutre au début du conflit et intègrera même la Triple-Entente en 1915.) Ces Empires Centraux seront rejoints par l’Empire ottoman (en octobre 1914) et la Bulgarie (en octobre 1915.)


76- Au lendemain de l’assassinat de l’archiduc autrichien François-Ferdinand et de son épouse, l’Autriche, en accord avec son allié allemand, adressa à la Serbie un ultimatum dont les termes étaient irrecevables pour ce pays. C’est donc tout à fait logiquement que la Serbie opposa une fin de non recevoir à ce texte. S’ensuivit la déclaration de guerre signifiée par l’Autriche à la Serbie le 28 juillet 1914. En raison des alliances évoquées à l’instant, l’Allemagne déclara la guerre à la Russie le 1er août et à la France le 3 août. Le 4 août, et afin d’honorer ses engagements vis à vis de la Belgique (devenue indépendante en 1830), le Royaume-Uni déclara la guerre à l’Allemagne. Se succédèrent ensuite les déclarations de guerre suivantes : l’Autriche-Hongrie à la Russie (le 6 août), le Royaume-Uni à l’Autriche-Hongrie (le 13 août), le Japon à l’Allemagne (le 23 août) et la France, accompagnée par le Royaume-Uni, à l’Empire ottoman (le 3 novembre.) Ce n’est qu’à la suite de la première guerre en atlantique (qui provoqua, entre autres, le torpillage du ”Lusitania”, paquebot anglais, qui coûta la vie à 118 passagers américains) et, surtout, le télégramme Zimmerwald visant à pousser le Mexique à entrer en guerre contre les Etats-Unis que le président Wilson, après avoir obtenu l’accord du congrès, déclara la guerre à l’Allemagne, le 2 avril 1917.


77- L’objet de cet article étant de rappeler (incomplètement, évidemment) les conséquences politiques, géopolitiques et, surtout humaines, imputables aux divisions multi-séculaires de l’Europe, nous ne nous pencherons pas sur l’enchaînement des nombreuses batailles qui l’ensanglantèrent durant cette nouvelle guerre. Nous n’aborderons donc pas les batailles qui se déroulèrent en Belgique (Liège, Dinan Anvers) ni celles survenues dans l’Est de la France comme la Marne, la somme et, surtout, Verdun. (Cette bataille, soulignons-le, fit 700000 victimes....) Ceci étant, le conflit ne se localisa pas seulement à l’Ouest de l’Europe. Il affecta également l’Est du continent pour, ensuite, s’étendre au Moyen-Orient, à l’Océanie, une partie de l’Asie, en Afrique et jusque dans l’Atlantique. Bref ! Le conflit devint mondial !


78- Comme l’a incontestablement révélé l’origine de cette guerre, ”l’Europe des nations” portait en germe les ambitions (et rivalités) politiques, territoriales et économiques qui l’ont conduit à sa perte. Ici, pas ”d’idée européenne”, pas de logos ! La guerre, toujours la guerre ! « Cette guerre européenne, déclara Romain Rolland (Journal des années de guerre 1914-1918), est la plus grande catastrophe de l’histoire, depuis des siècles, la ruine de nos espoirs les plus saints en la fraternité humaine. » De fait, le rêve d’un monde pacifique qui avait animé les socialistes (Jean Jaurès, entre autres) et les internationalistes se sont effondrés sous la pression des bellicistes qui pullulaient parmi tous les peuples d’Europe. « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » s’interrogea Louis Aragon. En tout cas, ceux de Verdun ne quittaient la boue et la puanteur de leurs tranchées que pour tomber sous le feu des mitrailleuses adverses. Oui, Romain Rolland avait raison : cette guerre fut la ruine de nos espoirs les plus saints en la fraternité humaine. Seulement, la barbarie humaine est insatiable : l’Allemagne du troisième Reich conduira une grande partie de l’humanité dans un gouffre encore plus profond !


79- Il fallut attendre le 11 novembre 1918 pour qu’Ares (dieu de la guerre de la Mythologie grecque), sans doute lassé par les innombrables tueries de cette terrible guerre, consente enfin à ce qu’un armistice entre la France et l’Allemagne soit signé dans un wagon stationné dans une clairière de Rethondes (Cet armistice sera renouvelé trois fois : le 13 décembre 1918 et le 16 janvier 1919 et le 18 février.) Notamment grâce à l’intervention massive des américains (les ”sammies”) dans le conflit et le recours à un grand nombre de chars, l’Allemagne fut enfin vaincue (incomplètement, d’ailleurs) mais, et pour le plus grand malheur de l’Europe, elle ne va pas tarder à récidiver. Les conséquences de ce conflit furent terribles. Sur le plan démographique, les pertes humaines furent énormes : presque vingt millions de morts, tant civils que militaires. Sur le plan moral, la plupart des combattants sortirent de ce conflit totalement traumatisés (que l’on songe aux ”gueules cassées”, aux tueries perpétrées par les Allemands en Belgique et dans l’Est de la France ou, encore, au génocide arménien de 1915 avec son million de victimes. Génocide imputable, cette fois-ci, à la barbarie ottomane. Sur le plan matériel, les destructions subies dans les zones de guerre (notamment dans le Nord et l’Est de la France) furent considérables. Enfin, sur le plan financier (et donc, économique), les Etats européens se retrouvèrent quasiment ruinés et très fortement endettés auprès des Etats-Unis. Au final, et alors qu’elle dominait le monde durant le XIX siècle, l’Europe amorça le début de son déclin.


80- Politique celui-ci, un évènement de la plus grande importance, survint en Russie. C’est en effet le 7 novembre 1917 que les bolcheviques s’emparèrent du pouvoir laissé vacant par l’abdication du tsar Nicolas II (le dernier Romanov) survenue le 15 mars de la même année. Cette révolution (dite ”d’octobre”) fut des plus bénéfique pour l’Allemagne laquelle, et conformément à son souhait, eut enfin la possibilité de signer un armistice avec Lénine à Brest-Litovsk le 15 octobre 1917. Cette paix séparée conclue avec un membre important de la Triple Entente permit à l’Allemagne de transférer une partie non-négligeable de ses troupes sur le front Ouest. Mais, et indépendamment de cette opportunité militaire, la prise du pouvoir par les bolcheviques aura pour conséquence l’émergence de l’URSS (1922) et, surtout, sera à l’origine de la ”guerre froide” qui opposa l’Est et l’Ouest jusqu’à la chute du mur de Berlin survenue en 1989.


81- Loin d’être perçu comme une défaite militaire majeure, l’armistice du 11 novembre 1918 (et, plus encore, la signature du traité de Versailles qui s’ensuivra en 1919) fut considéré, par beaucoup d’Allemands, comme une insupportable injustice. Ce sentiment s’explique aisément car, en n’ayans pas connu la guerre sur leur territoire, ils imaginèrent mal qu’ils étaient vraiment vaincus (ils commencèrent à comprendre lorsque les Alliés occupèrent l’Allemagne au lendemain du traité de Versailles.) C’est ainsi, et afin de sauver les apparences, que les autorités militaires allemandes recoururent à la thèse du ”coup de poignard dans le dos”. (Thèse qui, plus tard, servira de support à la politique revancharde d’Hitler.) En fait, les militaires imputèrent leur défaite à la vague révolutionnaire qui gagna toute l’Allemagne et provoqua, à la fois, l’abdication de Guillaume II et la proclamation de la république dite de ”Weimar” (le 9 novembre 1918.)


82- Un armistice n’étant pas la paix, mais seulement une suspension des hostilités, il fallut attendre la signature du traité de Versailles (le 28 juin 1919) pour, qu’enfin, la guerre entre dans le passé et que la paix soit juridiquement entérinée. Rédigé en deux langues : l’anglais et le français (Cela contrairement à l’usage de l’époque selon lequel les textes diplomatiques ne recouraient qu’au français), ce texte fut conçu à la suite d’âpres discussions ayant souvent opposés ses rédacteurs (notamment le Président des Etats-Unis : Thomas Woodrow Wilson et le Président du conseil Français : George Clemenceau. Le principal différent entre ces deux hommes politiques résulta de leurs divergences envers l’attitude qu’il convenait d’adopter envers l’Allemagne vaincue. D’un coté, Lloyd George (le représentant anglais) et Wilson prônaient une certaine modération afin de ne pas humilier l’Allemagne et de limiter ainsi les risques d’émergence d’un nouveau conflit en Europe et, de l’autre, Clemenceau, qui souhaitait infliger des représailles sévères à l’Allemagne ne serait-ce qu’en raison des énormes pertes humaines et des innombrables destructions subies par la France durant ce conflit. L’histoire a prouvé que George et Wilson n’avaient pas complètement tort. Ceci étant, une attitude plus clémente envers l’ennemi héréditaire allemand aurait-elle changée quelque chose ? Rien n’est moins sur !


83- La rédaction du traité de Versailles fut inspirée par un texte important de Wilson : les ”quatorze points” exposés le 8 janvier 1918 au congrès américain à Washington. Parmi ceux-ci, portons notre attention sur le 8e : « Tout le territoire devra être libéré et les régions envahies devront être restaurées ; le tort, fait à la France par la Prusse en 1871 en ce qui concerne l’Alsace-Lorraine, qui a troublé la paix du monde pendant près de cinquante ans, devra être réparé afin que la paix puisse une fois de plus être assurée dans l’intérêt de tous » ou, encore, sur le 13e : « Un Etat polonais indépendant devra être établi. Il devra comprendre les territoires habités par des populations incontestablement polonaises auxquelles on devra assurer un libre et sûr accès à la mer (le futur corridor de Dantzig) et dont l’indépendance politique et économique ainsi que l’intégrité territoriale devront être garanties par un accord international. » Effectivement, le traité de Versailles imposa la restitution de l’Alsace-Lorraine à la France et la résurrection d’un Etat polonais disposant d’une ouverture sur la mer Baltique. Bien que très réticente, l’Allemagne (devenue républicaine) s’inclina et signa le traité. Mais, après tout, ne subit-elle pas la tempête du vent qu’elle avait semé ?


84- Si, du point de vue ethnique, elles furent loin d’être toutes bénéfiques pour les peuples, les décisions entérinées par le traité de Versailles eurent des conséquences géopolitiques considérables, notamment en Europe. En tout premier lieu, et indépendamment de la restitution de l’Alsace-Lorraine à la France et de la création de la Pologne, de nouveaux Etats furent instaurés : la Tchécoslovaquie, le royaume des Serbes (comprenant les Croates et les Slovènes. Ce royaume deviendra, plus tard, la Yougoslavie) et la Roumanie (composée, elle, de la Transylvanie et de la Bucovine.) Ces nouveaux Etats d’Europe comportaient d’importantes minorités nationales qui générèrent d’inévitables tensions (la guerre de Yougoslavie survenue en 1991 en est un tragique exemple.) De son coté, l’Empire Austro-Hongrois céda sa place à deux Etats : l’Autriche et la Hongrie. Dès lors, le règne de la famille des Habsbourg était définitivement révolu.


85- Comme nous venons partiellement de l’évoquer, ces profonds bouleversements, qui seront très lourds de conséquences par la suite, résultèrent essentiellement de l’écroulement des quatre empires qui prédominaient à cette époque : les empires allemand, russe, austro-hongrois et, ne l’oublions pas, ottoman. Bien naturellement, et en ayant perdu une importante partie de son territoire, ce fut l’Empire allemand qui paya le plus lourd tribut. En effet, outre l’Alsace et la Lorraine, c’est à l’Est que fut effectué un véritable démembrement afin de constituer une Pologne indépendante avec un accès à la mer conformément au 13e point de Wilson (le corridor de Dantzig qui isola la Prusse orientale du reste de l’Allemagne.) En Afrique, également, l’Allemagne dut renoncer à ses possessions coloniales. C’est en effet sous l’égide de la Société des Nations (SDN), ou nouvel ordre international voulu par Wilson afin de préserver la paix en Europe, que les anciennes colonies allemandes (Togo, Cameroun, Tanganyika et Namibie) furent arbitrairement réparties essentiellement entre la France et le Royaume-Uni au détriment, d’ailleurs, du nationalisme arabe. Par contre, deux peuples furent ”oubliés” : les Arméniens et les Kurdes...


86- Cette guerre, ”totale”, ne fut pas seulement un simple affrontement entre des armées mais une terrible confrontation ayant opposé des peuples. Toutes les ressources, tant humaines que matérielles, dont disposaient les Etats furent mobilisées. Les femmes, notamment, remplacèrent les hommes dans les usines. A ce propos, si, et bien tardivement pour elles aussi, les femmes anglaises obtinrent le droit de vote (à partir de l’âge de trente ans en 1918 puis 21 ans en 1928...), les femmes françaises durent attendre l’année 1945 pour obtenir le droit de se rendre aux urnes. Décidément, la France des droits de l’homme a une curieuse idée de l’égalité... Indépendamment de ces mobilisations sans précédent, cette guerre recourut à des armes inusitées jusque là et dont l’usage explique le nombre terrifiant de victimes. En effet, et indépendamment des ”progrès” de l’artillerie, apparurent sur les champs de batailles des mitrailleuses à tir rapide, des lance-flammes, des gaz de combat, des chars d’assaut et avions d’attaque. Bref ! Tout ce qui pouvait tuer. Alors, que rajouter ? Peut-être cette citation de Erich Maria Remarque : « Nous sommes devenus des animaux dangereux, nous ne combattons pas, nous nous défendons contre la destruction. (...) La fureur qui nous anime est insensée : nous ne sommes plus couchés, impuissants sur l’échafaud, mais nous pouvons détruire et tuer, pour nous sauver... Pour nous sauver et nous venger. Repliés sur nous-mêmes comme des chats, nous courons, tous inondés par cette vague qui nous porte, qui nous rend cruels, qui fait de nous des bandits de grand chemin, des meurtriers et, si l’on veut des démons (...) Si ton père se présentait là avec ceux d’en face, tu n’hésiterais pas à lui balancer la grenade en pleine poitrine. » (A l’Ouest, rien de nouveau)


87- Cette guerre aurait du être ”la der des ders” ou, si l’on préfère, la guerre qui devait tuer toutes les guerres. Mais, et au-delà de ce vœu pieu, elle ne fut que l’antichambre de la suivante qui dépassa en barbarie l’inimaginable. Quelque part bien malgré lui, et en dépit des rêves de Wilson, le Traité de Versailles a réuni toutes les conditions d’un nouveau conflit en Europe, conflit qui gangrena la quasi-totalité du monde. Comme ce fut le cas durant quasiment un siècle, l’apocalypse naquit, une fois encore, en Allemagne sous l’impulsion d’un tyran dont la barbarie dépassa l’entendement. Il sut exploiter la naïveté de son peuple (mais, écrivit Hegel, « les peuples ont les gouvernants qu’ils méritent... ») en flattant son nationalisme exacerbé par la très grave crise économique qui frappa le pays dès les années vingt. Le pangermanisme viscéralement ancré dans ”l’esprit allemand” ne pouvait tolérer le couloir de Dantzig ni l’isolement des communautés germanophones intégrées dans le nouvel Etat polonais ou en Tchécoslovaquie. Seulement, il fallait bien trouver des boucs émissaires ou, si l’on préfère, des ennemis de l’intérieur. Ce furent les politiciens qui signèrent le si honni Traité de Versailles et, surtout, la communauté juive dont le principal tort était d’exister...


88- Avant de nous pencher sur le deuxième conflit mondial (et dernier, espérons-le...) qui, notamment, embrasa l’Europe, il convient d’établir un lien historiquement important. En effet, et comme nous l’avons précédemment noté, la révolution française de 1789 effraya les monarchies européennes pour deux raisons. La première (qui s’apparente quelque part au conatus (ou : instinct de conservation) de Thomas Hobbes) résulta de l’incompatibilité entre les monarchies absolues (donc antidémocratiques) et les républiques qui, elles, reposent sur la démocratie. Quant à la deuxième, elle s’expliqua par la crainte ressentie par ces monarchies de subir l’essaimage de cette révolution dans toute l’Europe. D’ailleurs, si la république, en tant que système politique, ne parvint pas à s’imposer dans tous les Etats européens, ”l’idée républicaine”, elle, s’installa durablement et cela, jusqu’à ce qu’elle prédomine dans tout le continent.


89- De son coté, la révolution bolchevique (d’obédience communiste) généra les mêmes craintes et suscita un sentiment de rejet qui dépassa très largement les frontières de l’Europe. (Le maccarthysme, ou ”peur rouge”, qui sévit aux Etats-Unis entre 1950 et 1954 en est un des exemples les plus emblématiques.) Facteur aggravant du point de vue géopolitique, l’idéologie communiste (telle que la concevait Staline) s’inscrivit dans un processus à la fois impérialiste et hégémonique ce qui conduira à la constitution du ”bloc de l’Est”. Cependant, et plus localement, le communisme (porteur, ne l’oublions pas, des espérances nourries par les classes défavorisées des sociétés mais trahi par ceux dont la charge était de le promulguer) se trouva confronté à une idéologie encore plus redoutable : le fascisme. Portée en Italie par Mussolini et, en Allemagne, par Hitler (sous l’appellation : nazisme), cette idéologie, issue de l’extrême droite, n’a qu’une seule vocation : la haine de la différence. D’ailleurs, lorsque au lendemain de son coup d’Etat en 1922, Mussolini s’empara du pouvoir, l’Italie devint très vite une dictature où tous les opposants furent soit exilés ou assassinés. (Il en ira de même en Allemagne lorsque Hitler devint chancelier du troisième Reich en 1933.) C’est ainsi que plusieurs pays européens (Italie, Espagne et Allemagne) devinrent des lieux d’affrontement entre le communisme et le fascisme jusqu’à ce que ce dernier triomphe et cela, une fois encore, pour le plus grand malheur des peuples.


90- La plupart des historiens considèrent le traité de Versailles comme le casus belli ayant déclenché la deuxième guerre mondiale. Si cet avis est incontestable (surtout en ce qui concerne les Allemands), un autre facteur a également favorisé ce processus : l’expansionnisme de plus en plus affiché des puissances de l’Axe (l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste et le Japon impérial. Ces trois Etats signèrent un pacte tripartite en 1937.) Expansionnisme favorisé, il est vrai, par l’impuissance et l’échec de la Société des Nations (SDN) crée en 1920 afin de préserver la paix dans le monde. D’ailleurs, et en raison de l’absence d’une structure militaire en son sein, comment la SDN aurait-elle été en mesure d’honorer ses objectifs ? (Bien qu’ils furent les initiateurs de la SDN, les Etats-Unis ne rejoignirent pas cette institution suite au rejet du Traité de Versailles par le Sénat américain.)


91- Comme nous l’avons précédemment évoqué, le Japon a déclaré la guerre à l’Allemagne de Guillaume II en 1914. Cette initiative, qui marqua le début de l’expansionnisme nippon (abstraction faite de la première guerre sino-japonaise –1894/1895- et de la guerre russo-japonaise –1904/1905-), permit au Japon de récupérer les possessions allemandes du Pacifique. Plus tard, en 1931, les armées japonaises, très bien organisées, envahirent le Nord de la Chine qui devint, en 1932, la Mandchourie. Ce nouvel état indépendant passa sous protectorat japonais. Ensuite, et profitant de l’affaiblissement de la Chine du à une très dure guerre civile ayant opposé les troupes communistes de Mao Zedong à celles des nationalistes du Kuomintang de Tchang Kaï-Chek, les Japonais occupèrent la partie Nord-Est de la Chine en 1937. Par contre, la tentative d’occupation de la Mongolie par l’armée impériale japonaise en 1939 échoua face aux armées de l’Union soviétique. L’étape suivante fut marquée par l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941 qui coïncida avec l’invasion des Philippines et celle de la Malaisie. Nous allons bientôt revenir sur les conséquences qui découlèrent de ces agressions et qui furent catastrophiques (à juste titre) pour le Japon.


Nankin, massacre des enfants.

92- Avant de poursuivre, arrêtons-nous quelques instants sur la barbarie nippone qui s’illustra, notamment, lors des massacres perpétués à Nankin lors de la guerre sino-japonaise de 1937. Révélatrice de ”l’humanisme” des japonais (les Américains auront l’occasion de bénéficier de cet ”humanisme” lors des batailles survenues dans les îles du Pacifique), cette ignominie fut encouragée par l’empereur Hirohito lui-même lorsqu’il approuva une directive de son état-major destinée à rendre caduque les mesures de protection du droit international à l’égard des prisonniers de guerre chinois. (A ce propos, il est incompréhensible, qu’en dépit de ce crime contre l’humanité, Hirohito ait été maintenu en tant qu’empereur au lieu d’être jugé comme criminel de guerre. Seulement, les Alliés, et notamment le général MacArthur, en ont décidé ainsi...) C’est donc en 1937, et à la suite de la bataille de Nankin, que les Japonais devinrent les maîtres de la ville. S’ensuivirent, alors, six semaines d’atrocités durant lesquelles des centaines de milliers de civils et de soldats chinois désarmés furent massacrés par les troupes d’Hirohito. Le plus souvent collectivement, des dizaines de milliers de femmes chinoises furent violées avant d’être soit empalées ou éventrées d’un coup de baïonnette : « Je ne sais pas quand cela se terminera, écrivit le révérend James M. McCallum. Jamais je n’ai entendu ou lu autant de brutalité. Viol ! Viol ! Viol ! Nous estimons au moins mille cas par nuit et beaucoup de jour. En cas de résistance ou tout ce qui ressemble à une réprobation, il y a un coup de baïonnette ou une balle... Les gens sont hystériques... Les femmes emportées chaque matin, après-midi et soir. Toute l’armée japonaise semble libre d’aller et venir comme elle veut et de faire ce qui lui plaît. » Voici un autre témoignage tout aussi terrible : « Le massacre de civils est épouvantable. Je pourrais écrire des pages de cas de viols et de brutalité presque incroyables. Deux corps passés à la baïonnette sont les seuls survivants de sept balayeurs qui étaient assis sur leurs sièges lorsque les soldats japonais sont arrivés sans avertissement ou raison et ont tué cinq d’entre eux et blessés les deux qui ont réussi à trouver le chemin de l’hôpital. » (Robert O. Wilson.) Nous pourrions citer d’autres témoins mais l’essentiel a été dit. Finalement, Les atrocités commises par les Einsatzgruppen (groupes d’intervention allemands) dans les territoires de l’Union Soviétique conquis par Hitler n’eurent rien à envier aux massacres de Nankin. Il y a vraiment de quoi désespérer de tout : de l’humanité et de l’homme, lequel, disait Thomas Hobbes : « est un loup pour l’homme ! »


93- Revenons en Europe et, plus précisément, en Italie. Bien qu’étant l’un des vainqueurs de la guerre précédente, ce pays fut très déçu par le Traité de Versailles qui, et en dépit des promesses du Pacte de Londres, ne lui accorda pas l’attribution des provinces de l’Istrie, de la Dalmatie et du Trentin. A cette déconvenue, se greffa d’importantes difficultés économiques accompagnées de troubles sociaux alimentés par des mouvements communistes de plus en plus influents. Ces évènements générèrent une véritable peur : celle de l’émergence d’une révolution semblable à la révolution bolchevique. C’est dans ce contexte, pour le moins tendu, que naquit un parti d’extrême droite, le parti national-fasciste (PNF), qui permit à Mussolini de s’emparer du pouvoir en 1922 à la suite d’un coup d’Etat : la Marche sur Rome. Dès lors, l’Italie devint très rapidement une dictature fasciste avant de s’engager dans une politique expansionniste tant en Afrique qu’en Europe. C’est donc en 1935 (le 3 octobre) que Mussolini donna l’ordre à ses armées d’envahir l’Ethiopie de l’Empereur Haïlé Sélassié. Achevée dès l’année 1936, cette guerre permit à l’Italie de s’emparer de ce riche pays africain mais au prix de son isolement en Europe. Trois ans plus tard, en 1939, l’Italie récidiva en envahissant l’Albanie qui devint aussitôt un protectorat italien.


94- Parmi les raisons susceptibles d’expliquer ces annexions (et indépendamment de la déception italienne ressentie à la suite du traité de Versailles), il en est une qui doit retenir l’attention. Sur le plan intérieur, les régimes fascistes sont fondés sur un Etat fort reposant, lui-même, sur un parti unique excluant donc toute opposition. Sur le plan extérieur, ces régimes promulguent des politiques nationalistes, impérialistes et agressives. Seulement, et là est tout le paradoxe, de tels régimes ne peuvent survivre sans le soutien d’une importante partie des peuples qu’ils asservissent. C’est pourquoi ils cultivent le culte du chef, le culte du sauveur (que l’on songe à Pétain en 1940) sans lequel le pays ne peut survivre. Il faut donc flatter l’idiote fierté qui accompagne toujours les sentiments inspirés par les nationalismes surtout lorsqu’ils s’épanouissent au détriment des autres. Et, pour ce faire, il existe un moyen infaillible : la guerre. Platon, l’un des grands philosophes du Vème siècle av. J.C., l’avait déjà très bien compris :« Et si certains ont l’esprit trop libre pour lui permettre de commander, il trouve dans la guerre, je pense, un prétexte de les perdre (...) Pour toutes ces raisons, il est inévitable qu’un tyran fomente toujours la guerre » (La République : 566e.) Comme tous les tyrans, Mussolini et Hitler se sont appuyés sur cette détestable propension des peuples à s’enorgueillir de leur supposée puissance. Sans doute, cette illusion leur permet-elle de masquer la précarité et, quelque part, l’absurdité de la condition humaine...


Combat, Guerre d'Espagne.

95- De son coté, la guerre d’Espagne (1936/1939) ne fut pas déclenchée par des velléités impérialistes ou un quelconque casus belli. Interne à cet Etat, cette guerre civile opposa deux idéologies : le camp des républicains, orienté à gauche et à l’extrême gauche (et fidèles au gouvernement légalement établi de la IIe République en 1931) et celui des nationalistes, orientés à droite et à l’extrême droite et menés, après moult hésitations, par Franco. En fait, cette guerre a préfiguré l’affrontement futur entre l’URSS (communiste) et le nazisme hitlérien (synthèse idéologique des ”idées” prônées par l’extrême droite.) Malheureusement pour l’Espagne démocratique, cette guerre, longue et particulièrement meurtrière (400 000 morts), se solda par la victoire des nationalistes qui établirent une dictature, dirigée par Franco et qui ne cessa qu’à la mort de ce tyran.


96- Ce conflit est généralement considéré comme une préparation de la Seconde Guerre mondiale en raison, notamment, de l’implication (ou de la non-implication), de certains pays d’Europe. C’est ainsi que les démocraties française et britannique conservèrent une certaine neutralité en dépit des interventions armées de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie en faveur des troupes franquistes. (De leur coté, les républicains reçurent le soutien mesuré, et coûteux, de l’URSS.) Concernant ce conflit survenu en Espagne (et l’attitude adoptée vis à vis de l’Allemagne d’Hitler), la politique extérieure de la Grande-Bretagne et de la France fut des plus ambiguë. En effet, cette politique fut principalement axée sur un pacifisme né du traumatisme subi lors de la Première Guerre mondiale. Pour les hommes politiques de ces Etats (Chamberlain et Blum, par exemple) il fallait tout faire (Munich en sera la preuve, bientôt) pour éviter que ”tout recommence” ! Seulement : Si vis pacem, para bellum (Si tu veux la paix, prépare la guerre...) Or, et même s’il fut des plus louable, ce désir de paix ne put empêcher une guerre qui, tout en ayant été considéré comme inévitable, ne fut pas pour autant dûment préparée (la ”ligne Maginot” aurait peut-être été utile deux siècles plus tôt...) C’est dans ce contexte que Léon Blum alla jusqu’à proposer un pacte de non-intervention en Espagne. Pacte qui fut signé par la quasi-totalité des pays européens. Ceci étant, ce pacte n’empêcha pas la France et le Royaume-Uni d’envoyer secrètement des armes aux républicains espagnols.


97- Non liée par ce pacte, l’Italie de Mussolini apporta une aide massive aux nationalistes espagnols dès l’année 1936. Cette aide se caractérisa par l’envoi de matériel militaire (près de 700 avions et 950 chars) mais surtout par l’intervention de nombreux soldats (ce Corps de troupes atteignit 50 000 hommes.) Tout aussi libre d’agir à sa guise, Hitler profita de cette opportunité pour tester, en toute impunité, les bombardements de civils qui préparèrent les stratégies de la guerre totale qu’il appliquera, plus tard. (Effectué le 26 avril 1937 par des pilotes allemands de la Légion Condor, le terrible bombardement de civils à Guernica sera dénoncé par Picasso dans son célèbre tableau : Guernica.)


98- En raison de sa violence, la guerre d’Espagne est tristement célèbre pour ces multiples exactions, tant du coté républicain que nationaliste. Comme nous l’avons précédemment évoqué, elle préfigura la seconde guerre mondiale en ayant exacerbé l’affrontement des partis d’extrême droite (Italie et Allemagne) et ceux de gauche (les républicains espagnols soutenus par les ”brigades internationales” et, assez timidement, par l’URSS.) Cette guerre fut également facilitée par la neutralité des deux grandes démocraties européennes : la Grande-Bretagne et la France. Neutralité qui cessera, mais, beaucoup trop tard, lors de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne le 1er septembre 1939. Elle mit également en scène, et dans le camp même de la gauche espagnole, la fratricide rivalité entre les communistes et les anarchistes (il en sera de même en Allemagne avec l’affrontement des communistes et des socialistes.) Au final, elle a annoncé le désastre qui allait suivre : « La tragédie espagnole est un charnier, écrivit Georges Bernanos. Toutes les erreurs dont l’Europe achève de mourir et qu’elle essaie de dégorger dans d’effroyables convulsions viennent y pourrir ensemble... Un tel cloaque, image de ce que sera demain le monde. » Franco en eut-il l’intuition ? En tout cas, il se garda bien d’intervenir aux cotés des deux pays qui l’avait pourtant soutenu. En effet, il adopta une stricte neutralité lors de la guerre qui allait suivre. C’est là, peut-être, la seule initiative politique que l’on puisse porter à son crédit.


99- Bien qu’Hitler ait tenté, sans succès, un Coup d’Etat en 1923, c’est le 30 janvier 1933 que le président du Reich. Paul Von Hindenburg le nomme légalement (mais, non sans regret), chancelier du Reich. Deux mois plus tard, le 5 mars 1933, les élections législatives allemandes renforcent son pouvoir. En effet, son parti (le parti nazi) est crédité de 43,9% des suffrages. Juste auparavant, le 27 février 1933, l’incendie criminel du Reichstag, siège du parlement allemand à Berlin, servit de prétexte à Hitler pour suspendre les libertés individuelles et pour éliminer les opposants politiques notamment les députés communistes : « C’est un signe de Dieu, déclara-t-il au vice-chancelier Franz von Papen le 28 février 1933, si ce feu, comme je le crois, est l’œuvre des communistes, nous devons écraser cette peste meurtrière d’une main de fer ! » Le 20 mars suivant, Hitler proclame l’avènement du IIIe Reich (Empire.) Le 23 du même mois, il obtient les pleins pouvoirs à la suite du vote des députés allemands du Reichstag. A la mort du président du Reich, Paul Von Hindenburg (le 2 août 1934), il cumule, de facto, les fonctions de chancelier et de président du Reich. C’est le 19 août 1934 qu’un plébiscite, très largement remporté (89,93% de ”oui”), lui assure l’adhésion du peuple allemand et lui donne définitivement les pleins pouvoirs. A la suite de ce plébiscite, il supprime la fonction de président du Reich, prend le titre de Führer (chef, guide) qui cumule les fonctions de chancelier et de président du Reich. Dès lors, c’est la fin de la démocratie en Allemagne et le début d’une dictature sanguinaire qui va ravager une bonne partie du monde.


100- Indépendamment de sa folie génocidaire envers le peuple juif (et celle de son cercle de fanatiques)), la politique extérieure d’Hitler reposa sur trois piliers. En tout premier lieu, et avec l’assentiment revendiqué par beaucoup de ses opposants, il considéra le Traité de Versailles comme nul et non avenu. Par conséquent, et selon lui, l’Allemagne n’était pas tenue d’en respecter les termes. Ensuite, il exploita le séculaire pangermanisme qui se traduisit, notamment, par l’annexion de l’Autriche, l’invasion d’une partie de la Tchécoslovaquie, et, surtout, l’invasion de la moitié Ouest de la Pologne. Enfin, et corrélativement à sa notion ”d’espace vital” (le Lebensraum), sa politique fut nourrie par un anti-bolchevisme quasiment viscéral. Sur le plan intérieur, il bénéficia d’une terrible crise économique induite à la fois par le montant astronomique des indemnités de guerre fixées par le Traité de Versailles et par le krach de Vall Street survenu en 1929.


101- « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas à déjà perdu d’avance ! » A elle seule, cette réflexion de Bertolt Bretch résume les terribles erreurs politiques commises par la France et la Grande-Bretagne du 7 mars 1936 au 1er septembre 1939. En effet, ces deux Etats ne pouvaient ignorer, qu’à partir de 1933, Hitler avait ordonné le réarmement de l’Allemagne et cela, en dépit des interdictions stipulées par le Traité de Versailles. Une nouvelle fois, et toujours en violation de ce traité, l’entrée des troupes allemandes en Rhénanie (le 7 mars 1936) ne suscita aucune réaction adaptée à cette agression voilée. Tout au plus, le ministre britannique des affaires étrangères, Anthony Eden, déclara, sans grande conviction, d’ailleurs, ”qu’il regrettait cette initiative allemande”... De fait, Hitler bénéficia des désaccords internes à la SDN et, surtout, à ceux qui opposèrent la Grande-Bretagne à la France car, si ces deux Etats étaient parvenus à s’entendre, il aurait été encore temps de stopper militairement la politique agressive du IIIe Reich. Poursuivant sa politique belliqueuse (et après avoir signé un Traité ayant établi ”l’axe Rome-Berlin”, le 1er novembre 1936), c’est le 12 mars 1938 qu’Hitler, s’étant appuyé sur le parti nazi autrichien, annexa autoritairement l’Autriche (anschluss). Bien qu’il fut militairement imposé (mais, sans combats), les nazis organisèrent un plébiscite demandant au peuple autrichien de ratifier le rattachement de l’Autriche au Reich. Le résultat laisse rêveur : 99% des suffrages ont été favorables à l’annexion. Décidément, la connivence historique entre l’Allemagne, la Prusse et l’Autriche ne fut jamais le fruit du hasard... A l’instar de ce qui était déjà devenu leur habitude, les deux principales puissances, la Grande-Bretagne et la France, n’émirent que quelques protestations diplomatiques de forme ; lesquelles, bien entendu, n’eurent aucun effet. Finalement, l’anschluss ne fut que le prélude du pangermanisme revendiqué par Hitler (pangermanisme ayant été l’objet de débats depuis la fin du Saint-Empire romain germanique survenu en 1806.) En effet, dès 1920 et à la suite de la politique unificatrice de l’Allemagne menée par Bismarck , au lendemain de la guerre de 1870, le parti nazi exigea la fusion de tous les Allemands au sein d’une grande Allemagne. De ce point de vue, Hitler, en 1925, ne pouvait être plus explicite : « L’Autriche allemande doit revenir à la grande patrie allemande et ceci, non pas en vertu de quelconques raisons économiques. Non, non : même si cette fusion, économiquement parlant, est indifférente ou même nuisible, elle doit avoir lieu quand même. Un seul sang exige un seul Reich. » Sans commentaires !


102- Il arrive parfois que l’histoire déserte son champ originel (chronologie, thématisme et analyse) pour s’engager vers les chemins sinueux du surréalisme. Incontestablement, et indépendamment du contexte de l’époque, ce fut le cas lorsque l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie signèrent les ”accords de Munich” le 30 septembre 1938 afin de mettre un terme à la crise des Sudètes. La première question qui se pose est celle-ci : pourquoi cette crise eut-elle lieu ? Ou, si l’on préfère, quel est l’évènement susceptible d’en expliquer la cause ? Pour répondre à ces questions, il faut évoquer le Traité de Saint-Germain-en-Laye (10 septembre 1919) signé afin d’établir la paix entre les Alliés et l’Autriche. (Note : le Traité de Versailles sert très souvent de référence lors du rétablissement de la paix en 1919. Toutefois, quatre autres traités ont été signés : Neuilly, Trianon, Sèvres et Saint-Germain-en-Laye.) Lors des négociations diplomatiques ayant préparé le traité de Saint-Germain-en-Laye, les Tchèques et les Slovaques ont exigé la création d’un pays qui leur soit commun. C’est ainsi que la Tchécoslovaquie naquit. Cette revendication satisfaite, les choses auraient pu en rester là. Seulement, ce nouvel Etat comportait d’importantes minorités allemandes (les Allemands des Sudètes) qui s’estimèrent lésés et, de plus, dépourvus de leurs racines linguistiques.


Accords de Munich.

103- C’est dans ce contexte pour le moins délétère qu’Hitler, sans doute conforté (et militairement rassuré) par l’immobilisme conjoint de la Grande-Bretagne et de la France, déclara « qu’il annexera cette région (les Sudètes) quoi qu’il arrive le 1er octobre 1938 » tout en ne méconnaissant pas, par ailleurs, le risque induit d’une guerre avec la Grande-Bretagne alliée à la France. Suite à cette déclaration, la France mobilisa alors ses troupes lorsque, très prudemment, Mussolini conseilla à Hitler d’organiser une conférence de la dernière chance. C’est ainsi qu’Hitler (pour l’Allemagne), Naville Chamberlain (pour le Royaume uni), Edouard Daladier (pour la France) et Benito Mussolini (pour l’Italie) négocièrent, puis signèrent, les accords de Munich.


104- En substance, ces accords prévirent l’évacuation du territoire des Sudètes par les Tchèques avant le 10 octobre 1938 afin de faciliter leur occupation par les troupes allemandes : « L’occupation progressive par les troupes allemandes du Reich des territoires à prédominance allemande commencera le 1er octobre (...) » (Article 4 des accords de Munich.) A cette disposition vint se greffer la rétrocession d’une partie de la Silésie à la Pologne. Finalement, Chamberlain et Daladier ont jeté une importante partie du territoire tchécoslovaque en pâture à Hitler. Et cela, en dépit des accords liant notamment la France et la Tchécoslovaquie afin de garantir les frontières de cette dernière. Alors, que peut-on penser de cette trahison ? Que penser de ce nouveau renoncement face aux exigences toujours croissantes d’un Hitler assoiffé de conquêtes ? La tentation est grande d’accuser le Royaume-Uni et la France de lâcheté. Bien que cela soit vrai, il faut peut-être nuancer le propos : « Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre, déclara Churchill, ils ont choisi le déshonneur et ils auront la guerre. » Evidemment, Hitler les a manipulés en leur laissant accroire qu’il s’agissait là de son ultime revendication territoriale. Certes ! Mais cela n’explique pas tout. Les Anglais et les Français n’étaient mus que par un seul désir : la paix ! Peut-on le leur reprocher ? Pouvaient-ils oublier le désastre humain du à la première guerre mondiale ? Alors, ne soyons pas surpris que Chamberlain ait été accueilli en héros lors de sa descente d’avion au retour de Munich (on le surnomma même le peacemaker ou : pacificateur !) Ne nous étonnons pas non plus que, et à sa grande surprise, Daladier ait été vivement acclamé à sa sortie d’avion au Bourget. D’un coté, comme de l’autre, les opinions publiques manifestèrent leur reconnaissance envers des hommes politiques qui, croyaient-elles, avaient eu la sagesse de préserver la paix !


105- Comme cela est communément admis, on ne pactise pas avec le diable ! Car, finalement, Hitler n’avait-il pas obtenu ce qu’il voulait en ayant annexé l’Autriche et une grande partie de la Tchécoslovaquie et cela, sans combat ? Loin s’en faut, puisqu’en mars 1939 les troupes de la Wehrmacht (armée de terre allemande) violèrent délibérément les accords de Munich en envahissant la Bohème et la Moravie (en Tchécoslovaquie) afin d’y établir le protectorat de Bohème-Moravie. Enfin, la Grande-Bretagne et la France s’émurent et commencèrent, alors, la mobilisation de leurs troupes respectives sans, pour autant, engager une quelconque action concrète. Conséquemment, et pour Hitler, la voie resta libre. Aussi, et après avoir signé, le 23 Août 1939, le Pacte germano-soviétique, il entreprit (et sans déclaration de guerre), le 1er septembre 1939, l’invasion de la moitié Ouest de la Pologne (conformément à une clause secrète incluse dans le Pacte germano-soviétique, l’URSS, à son tour, envahit la moitié Est de cet Etat le 17 septembre 1939.)


106- Confrontées à ce casus belli, la Grande-Bretagne et la France se réveillèrent et considérèrent que la coupe était pleine ! Aussi, et en raison de cette prise de conscience tardive, ces deux Etats (avec leurs empires coloniaux respectifs) déclarèrent la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939. La Seconde Guerre mondiale venait de commencer !


107- L’entrée en guerre de la Grande-Bretagne et de la France atterrèrent Hitler (et son Etat-major.) Toutefois, cette initiative militaire servit sa politique exposée dans son livre Mein Kampf (”Mon combat”.) Ecrit durant sa courte incarcération, survenue à la suite de son Coup d’Etat manqué de 1923, ce texte, humainement ignoble, « à faire dresser les cheveux sur la tête », déclara le futur pape Pie XII en 1929, stipulait notamment « que l’anéantissement de la France (n’est) qu’un moyen de donner enfin à notre peuple, sur un autre théâtre, toute l’extension dont il est capable. » En termes plus triviaux, cet extrait signifiait qu’il fallait d’abord se débarrasser de la France avant de se tourner vers l’Est c’est à dire vers l’URSS afin d’éviter de se battre sur deux fronts. (Pour note, et lors de la 1ère guerre mondiale, l’Allemagne de Guillaume II opéra un mouvement contraire. En effet, la signature conjointe par l’Allemagne et la Russie (le 3 mars 1918), du traité de paix de Brest-Litovsk permit à l’Allemagne de concentrer ses troupes sur le front Ouest. Et cela, afin d’obtenir une victoire décisive avant l’arrivée des soldats américains. Heureusement pour les Alliés de l’époque, cette opportunité militaire ne servit à rien...)


108- Espérant que la France honorerait ses engagements d’alliée (La France et la Pologne ayant signé en mai 1939 un protocole d’assistance), les Polonais , tout à fait dûment, espérèrent une offensive générale française sur le sol allemand. Nommée : ”offensive de la Sarre”, cette incursion eut bien lieu (6 septembre 1939) mais se borna à quelques kilomètres à l’intérieur du territoire allemand pour, finalement, se solder par le repli des troupes engagées derrière la ligne Maginot (le 13 du même mois...) De leur coté, les Allemands se retranchèrent à l’abri de leur ligne Siegfried. C’est ainsi que, et à la grande déconvenue des Polonais, débuta la ”drôle de guerre”, selon l’expression attribuée à l’écrivain Roland Dorgelès.


109- Appliquée pour la première fois sur le théâtre polonais, la Blitzkrieg (”guerre éclair”) va, dès le 10 mai 1940, prouver son efficacité. En effet, cette date ‘(après une attaque allemande effectuée contre le Danemark et la Norvège durant le mois d’avril 1940) marqua le début d’une offensive foudroyante menée contre les pays de l’Europe de l’Ouest : ceux du Benelux (en dépit de leur neutralité) et la France. Que l’on en juge : le Luxembourg est conquis en une seule journée ; les forces militaires néerlandaises capitulent au bout de cinq jours de combat. Enfin, seule la Belgique fera illusion en résistant durant dix-huit jours au bout desquels intervint la reddition de son armée le 29 mai 1940. Ayant ainsi contourné la ”redoutable” ligne Maginot, les troupes allemandes envahirent une grande partie de la France malgré une résistance parfois héroïque de son armée. (C’est notamment grâce au sacrifice des soldats français que les Britanniques purent mener à bien ”l’opération Dynamo”). En effet, ils parvinrent à sauver presque 300 000 des leurs au cours d’une vaste opération de réembarquement, opérée, du 27 au 3 juin, à partir du port de Dunkerque.) Aussi, et compte tenu de la situation désespérée de l’armée française (Paris est tombé aux mains des Allemands le 14 juin 1940), le gouvernement français demanda un armistice qui sera signé le 22 juin à Rethondes (4 jours après l’appel lancé depuis Londres par le général de Gaule exhortant les Français à poursuivre le combat aux cotés de l’Empire britannique.) Pour Hitler, le choix de Rethondes eut une grande importance symbolique. En effet, ce fut dans un wagon stationné dans une clairière de Rethondes que l’Allemagne et la France signèrent l’armistice du 11 novembre 1918. La signature de celui du 22 juin 1940 dans ce même wagon et au même endroit fut donc considérée comme une revanche par le dictateur.


110- Pour la France vaincue, va s’ensuivre la période la plus honteuse de son histoire. En effet, grâce aux pleins pouvoirs obtenus le 10 juillet 1940 à la suite du vote du congrès (assemblée nationale et sénat réunis), Philippe Pétain instaura un régime autoritaire (pour ne pas dire fasciste) dans une France en proie au plus grand désarroi. C’est ainsi que ”l’Etat français” mit un terme à la troisième république. Parmi les toutes premières mesures ”démocratiques” (c’est un euphémisme...) qu’il imposa, retenons l’abolition des institutions républicaines, la suppression des libertés fondamentales, la dissolution des syndicats et des partis politiques et l’instauration d’une législation antimaçonnique et, cela va sans dire antisémite ! Le masque était tombé ! Pétain, le ”héros” de Verdun s’engagea, dès lors, dans une politique de collaboration avec l’Allemagne nazie ! (Les 13152 malheureux juifs raflés du 16 au 17 juillet 1942 –« la rafle du Vel’ d’hiv » - ont eu l’occasion d’en mesurer les bienfaits...)


111- Hitler pouvait donc se réjouir : il venait de conquérir l’Ouest de l’Europe en quelques semaines et, en dépit d’une croyance selon laquelle l’armée française était, depuis 1918, la ”meilleure armée du monde” !. Toutefois, une épine restait fichée dans son pied : la Grande Bretagne ! Il songea donc à l’envahir car, après tout, Guillaume le Conquérant avait bien réussi ce tour de force au XIème siècle. Seulement, et pour ce faire, il fallait au préalable maîtriser le ciel. C’est dans cette perspective qu’Hitler chargea Goering, le chef de la Luftwaffe (aviation allemande) d’effectuer des attaques aériennes sur des cibles stratégiques notamment sur les aérodromes du Sud de l’Angleterre afin de détruire les avions anglais stationnés au sol. Toutefois, et à la grande déconvenue des stratèges nazis, la Grande Bretagne, non seulement résista, mais parvint à mettre en échec la Luftwaffe. C’est alors qu’Hitler décida de bombarder les villes anglaises (bombardements survenus de septembre 1940 à mai 1941) afin de terroriser les civils (que l’on se souvienne de Guernica en Espagne....) Mais une fois encore ce Blitz (éclair), qui détruisit notamment la City de Londres et la ville de Coventry, n’entama pas la résolution des Britanniques galvanisés par Churchill lequel, peu de temps auparavant avait déclaré aux Britanniques : « Je n’ai rien à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ». Ceci étant, et en raison de ses énormes pertes, la Luftwaffe fut vaincue par les pilotes de la Royal Air Force :  « Jamais dans le domaine de la guerre, déclara Churchill, tant d’hommes n’avaient eu une telle dette à l’égard d’un si petit nombre d’individus. »


112- Indépendamment du courage et de la redoutable efficacité de ces pilotes (aidés par les performances des avions de chasse : Spitfires), cette bataille d’Angleterre survint à la suite d’un véritable coup de génie politique. En effet, et à la suite de la déconvenue de Narvik (port norvégien pris aux Allemands puis évacué par les Anglais) Chamberlain fut remplacé, le 10 mai 1940, par un homme politique d’une autre envergure : Winston Churchill ! Fort d’une volonté d’acier, ce grand homme d’Etat sauva son pays ! Et, par voie de conséquence, contribua très largement au sauvetage de l’Europe. En effet, si l’Angleterre avait signé un traité de paix avec Hitler (qui n’attendait que cela) le débarquement du 6 juin 1944, qui permit de libérer l’Europe de l’Ouest du joug nazi, aurait été impossible. Car, et dans cette hypothèse, les Américains (avec les Canadiens) n’auraient pu préparer ce débarquement qui s’effectua à partir des côtes sud de l’Angleterre.


113- Hitler fut donc contraint de renoncer à l’invasion de l’Angleterre et ce fut là sa première défaite majeure. Remarquons, cependant, que la résistance du Royaume-Uni face aux nazis aurait été beaucoup plus aléatoire sans l’aide décisive des Etats-Unis. C’est en effet le 11 mars 1941 que le président Roosevelt obtint du Congrès le vote de la loi ”Prêt-Bail” qui lui permit d’apporter une aide matérielle illimitée au Royaume-Uni et, plus tard, à ses Alliés. Bien évidemment, Hitler, obsédé par la reddition du Royaume-Uni, n’ignorait rien du soutien économique et militaire apporté par les Etats-Unis. Aussi instaura-t-il un blocus maritime (commencé, en fait, dès le 3 septembre 1939) afin d’étrangler son dernier adversaire en Europe de l’Ouest. Auparavant, et à l’encontre du traité de Versailles, le Royaume-Uni et l’Allemagne hitlérienne avaient signé un curieux accord naval autorisant l’Allemagne à se doter d’une flotte correspondant à 35% du tonnage de surface et 45% du tonnage sous-marin de la Royal Navy. Cet accord explique que l’Allemagne possédait un certain nombre de sous-marins (précisément : 57 U-boote) qui lui permit de débuter ce qui va devenir : la ”bataille de l’Atlantique”, selon l’expression attribuée à Churchill : « La bataille de l’Atlantique, a t-il déclaré, a été le facteur dominant de toute la guerre. A aucun moment nous ne pouvions oublier que, partout, les choses dépendaient de son issue. »


114- Faisant ainsi preuve, (et une nouvelle fois), de sa remarquable lucidité, Churchill a bien compris que si les Allemands avaient gagné la bataille de l’Atlantique, le Royaume-Uni aurait été perdu faute d’approvisionnements en provenance des Etats-Unis. Bien sur, les pertes alliées, tant humaines (45 000 marins morts ou disparus dont 30 000 Anglais) que matérielles (23 millions de tonnes de navires coulés), furent considérables. Ces pertes, toutefois, ne furent pas vaines car jamais la flotte sous-marine allemande ne parvint à interrompre définitivement le flux incessant des navires qui ont maintenu le Royaume-Uni, certes sous perfusion, mais toujours vivant !


115- L’année 1940 (surtout depuis l’armistice du 22 juin) a libéré Hitler d’un très gros souci : il n’avait plus à redouter l’ouverture d’un front à l’Ouest. Certes,  l’Angleterre était toujours invaincue mais ne constituait pas une menace immédiate pour lui, d’autant que les Etats-Unis restaient toujours drapés dans une persistante neutralité. Le moment était donc venu d’accélérer le plan ”Barbarossa” (ainsi nommé par Hitler en hommage à l’empereur allemand : Barberousse) en vue de l’attaque contre l’URSS de Staline qui venait, de plus, de manifester des prétentions tant en Europe qu’au sujet du détroit turc des Dardanelles. (A l’instar de celui du Bosphore, la maîtrise de ce détroit a toujours été essentielle pour la Russie. En effet, le franchissement, de l’un et de l’autre, est indispensable pour quitter la mer Noire afin d’accéder, via la mer Marmara, à la mer Méditerranée.)


116- Reportée de plusieurs mois en raison de la guerre italo-grecque (et l’invasion de la Yougoslavie), Hitler commit (tout comme le fit Napoléon 1er en 1812) la plus grande erreur militaire qu’il pouvait commettre : l’invasion de l’URSS. Car, et en dépit des forces considérables engagées (2000 avions, 3 300 chars, 145 divisions allemandes épaulées par 50 divisions ”alliées” : Finlandaises, roumaines, italiennes et hongroises - presque 4 000 000 d’hommes, au total), cette invasion va se solder par un désastre. Au tout début, et sans déclaration de guerre, l’attaque terrestre fut précédée par le bombardement massif des aérodromes soviétiques qui se solda par la destruction au sol de plus d’un millier d’avions. Dès lors, la maîtrise de l’air était allemande. Pouvait alors s’ensuivre l’invasion proprement dite sur trois fronts : le Nord, le Centre et le Sud. Pris au dépourvu (et en dépit des multiples avertissements adressés à Staline par ses services de renseignement), les armées soviétiques refluèrent vers l’est en pratiquant, au fil de leur retraite, la politique de la ”terre brûlée”. Toutefois, et en dépit de leurs énormes pertes, les Soviétiques, commandés par le Maréchal Joukov, parvinrent à stopper cette nouvelle ”blitzkrieg” aux portes de Moscou et imposèrent même aux allemands un recul vers l’ouest de 200 kilomètres. Plus au Nord, et après avoir renoncé à la prise de Leningrad, les Allemands établirent un siège de la ville afin d’affamer ses habitants. 700 000 d’entre eux moururent de faim... Toutefois, ces deux revers subis par les armées allemandes ne furent que le prélude d’un désastre bien plus dévastateur pour elles. En effet, c’est le 17 juillet 1942 que le général Paulus (l’instigateur du plan Barbarossa) fut chargé par Hitler de conduire sa 6ème armée aux portes de Stalingrad afin de s’emparer de la ville, adossée à la Volga. Staline donna alors l’ordre de ne pas céder un pouce de terrain aux envahisseurs lesquels, effectivement, se heurtèrent à une défense désespérée mais tenace. Cette terrible bataille, gagnée, une fois encore par le maréchal Joukov, qui s’acheva le 2 février 1943 par la reddition du général Paulus (promu juste auparavant maréchal par Hitler) coûta la vie à presque 1 300 000 hommes aux soviétiques et 300 000 (dont 100 000 prisonniers) aux Allemands. Cette bataille de Stalingrad suscita un immense espoir dans toute l’Europe : la Wehrmacht n’était pas invincible et, comme le déclara Churchill (dans un autre contexte, il est vrai) : « Ce ne fut pas la fin. Ce ne fut même pas le commencement de la fin. Mais, ce fut peut-être la fin du commencement. » Effectivement, le chemin qui conduisit l’armée rouge jusqu’à Berlin était encore long...


117- Le 5 juillet 1943 débuta une nouvelle bataille qui confirma « la fin du commencement » pour la Wehrmacht. Achevée le 23 août 1943, et en dépit de pertes considérables consenties par l’Armée rouge, cette bataille fut une incontestable victoire soviétique tant sur le plan stratégique qu’opérationnel. A aucun moment la Wehrmacht ne parvint à défaire les défenses soviétiques bien que cette bataille se déroula en été, saison favorable aux Allemands. A cet instant, le front de l’Est avait basculé en faveur des Soviétiques qui contraignirent l’armée allemande à se cantonner désormais dans un rôle défensif. C’est ainsi que la triomphante Wehrmacht, non seulement abandonna ses conquêtes territoriales, mais subit les incessantes attaques soviétiques jusqu’à la prise de Berlin par l’armée rouge et la capitulation définitive de l’Allemagne le 8 mai 1945.


118- Comme ce fut le cas lors de l’invasion de la Pologne (3 000 000 de juifs, originaires de ce pays, furent exterminés), la guerre germano-soviétique ne fut pas une guerre semblable aux précédentes. En effet, et même si le désir de conquêtes territoriales l’a sous-tendue (l’obsessionnel ”espace vital” hitlérien), cette guerre fut une série de crimes contre l’humanité. A l’instar de la barbarie nippone, la barbarie nazie ne faisait aucune distinction entre militaires et civils. Il ne s’agissait plus seulement de conquérir des territoires mais d’exterminer des peuples. Pour mener à bien cette politique (si l’on peut recourir à ce mot), la Wehrmacht disposait de groupes spécialement formés : les Einsatzgruppen chargés de l’extermination en masse des prisonniers de guerre (en violation de la convention de Genève, censée les protéger), des civils soviétiques et surtout des juifs (la ”Shoah par balles” sera la première phase du plus grand génocide ayant frappé l’humanité...) C’est ainsi, qu’en Ukraine, Goering et Rosenberg (antisémites fanatiques) exterminèrent tous les juifs qui se trouvaient à leur portée. (Le massacre de Babi Yar fut le plus grand massacre de la Shoah ukrainienne par balles mené par les Einsatzgruppen en URSS : 33771 juifs furent massacrés les 29 et 30 septembre 1941.)


119- C’est le 27 septembre 1940 que le Japon rejoignit le Pacte d’acier (signé entre l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste le 22 mai 1939) Dès lors devenu le ”Pacte tripartite”, ce nouvel accord a nourri une espérance du Troisième Reich : l’entrée en guerre du Japon contre les Etats-Unis et, surtout, contre l’URSS. Nous sommes le 7 décembre 1941 lorsque (et sans déclaration de guerre clairement signifiée) une partie de ce vœu est exaucée : les Japonais, menés par l’amiral Yamamoto, attaquent la base navale américaine de Pearl Harbor sise dans le Pacifique. Inscrite dans le cadre de la politique expansionniste du Japon, cette agression ne fut pas le fruit du hasard. En effet, elle fit suite à des tensions croissantes entre les deux Etats dont l’embargo imposé par les Etats-Unis fut certainement l’un des éléments déclencheurs. Toutefois, le Japon n’atteignit que partiellement son but. En effet, la cible principale de cette attaque était trois porte-avions lesquels, ce jour là, effectuaient des manœuvres dans le Pacifique. Aussi, et en dépit d’importantes pertes, tant humaines (2403 tués) que matérielles (2 cuirassés furent notamment coulés et 6 autres endommagés), le potentiel naval américain ne fut que peu affecté.


120- Toutefois, cet évènement libéra Roosevelt de l’isolationnisme imposé par le Congrès américain. C’est en effet à la suite d’un discours resté célèbre prononcé par le Président (le 8 décembre 1941), que ce congrès consentit à l’entrée en guerre des Etats-Unis contre le Japon : « Hier, 7 décembre 1941, déclara Roosevelt, une date qui restera à jamais marquée comme un jour d’infamie, les Etats-Unis d’Amérique ont été attaqués délibérément par les forces navales et aériennes de l’empire du Japon (...) J’ai demandé (...) que le congrès déclare depuis l’attaque perpétrée par le Japon dimanche 7 décembre, l’état de guerre contre le Japon. » Le lendemain, 9 décembre, le Royaume-Uni (et son empire colonial, le Canada, l’Australie et l’Afrique du Sud) entrèrent également en guerre contre le Japon. A leur tour, et suivant en cela les engagements du Pacte tripartite, l’Allemagne et l’Italie annoncèrent, le 11 décembre 1941, l’entrée en guerre contre les Etats-Unis. Bien que souhaité par le Troisième Reich, ce nouveau conflit ne fut pas forcément une bonne nouvelle pour Hitler car il se trouva confronté à ce qu’il redoutait le plus : l’ouverture d’un deuxième front à l’Ouest. Dans l’immédiat, il est vrai, la menace était encore lointaine mais, à terme, elle ne pouvait que se rapprocher (d’où, d’ailleurs, la construction du ”mur de l’Atlantique”.) Par contre, et de l’autre coté de la Manche, un homme politique, Churchill, eut toutes les raisons de se réjouir : désormais, il n’était plus seul : « Aucun Américain ne m’en voudra, écrivit-il, dans ses mémoires, de proclamer que j’éprouvai la plus grande joie à voir les Etats-Unis à nos cotés » Et, de fait, comme le confirma la conférence de Washington (début de l’année 1942), les Etats-Unis et le Royaume-Uni décidèrent que l’objectif prioritaire pour remporter la guerre était de vaincre l’Allemagne, la question du Japon devant être réglée plus tard.


121- En réalité, les Etats-Unis étaient déjà engagés auprès des Britanniques. Rappelons, en effet, que, le 11 mars 1941, le président Roosevelt avait obtenu du Congrès le vote de la loi ”Prêt-Bail” destiné à soutenir matériellement l’effort de guerre fournit par la Grande Bretagne. Toutefois, cette aide (étendue à l’URSS à partir de la fin septembre 1941) n’était que matérielle. Il fallut donc attendre le 8 novembre 1942 pour que les Etats-Unis s’impliquent totalement dans le conflit notamment pour soulager l’Union soviétique, seule face aux assauts allemands. C’est donc à cette date que plusieurs milliers de soldats américains et Anglais débarquèrent en Afrique du Nord (opération Torch) alors occupée par les forces françaises vichystes. Dans un premier temps, celles-ci s’opposèrent aux Alliés avant de les rejoindre. S’ensuivit la campagne de Tunisie contre l’Africa Korps de Rommel, chassée auparavant de Libye par la 8e armée britannique. Dès lors commandée par von Amim, les 130 000 soldats survivants de l’Africa Korps capitulèrent le 12 mai 1943 avant d’être internés aux Etats-Unis et au Canada.


122- En étant irrémédiablement battues en Afrique du Nord, les forces de l’Axe ne pouvaient plus s’opposer à l’ouverture d’un nouveau front au sud de l’Europe. C’est d’ailleurs pourquoi les Allemands avaient anticipé cette défaite en envahissant (le 11 novembre 1942) la zone non-occupée de la France (zone dite ”libre”.) Ceci étant, cette flagrante violation de l’armistice du 22 juin 1940 n’empêcha pas un nouveau débarquement allié en Sicile (10 juillet 1943) suivi d’un autre, la même année, en Italie. Diplomatiquement essentielle, la conférence de Casablanca, organisée entre le 14 et le 24 janvier 1943, (à laquelle participèrent Churchill, Roosevelt, De Gaule, et Giraud) éclaircit la situation : la guerre ne cesserait qu’au terme: de la reddition sans conditions de l’Allemagne. Dès lors, toute négociation de paix séparée (notamment avec le Royaume-Uni) devint inimaginable (il en ira de même, d’ailleurs, en ce qui concerne le Japon.). Une autre conférence de la plus haute importance se déroula à Téhéran du 28 novembre au 1er décembre 1943. Au cours de cette nouvelle rencontre, survenue entre Staline, Churchill et Roosevelt, fut décidée le démembrement de l’Allemagne, le partage de l’Europe en zones d’influence (la conférence de Yalta –1945– approfondira ce point) et le déplacement de la Pologne vers l’Ouest (au détriment des territoires orientaux de l’Allemagne.) Egalement, (et à la grande satisfaction de Staline qui le réclamait depuis longtemps), il fut décidé d’organiser, en mai 1944, un débarquement en Normandie : ”l’opération Overlord”. En effet, et bien que les troupes soviétiques ne cessent d’avancer vers l’Ouest, la défaite totale de l’Allemagne requérait l’ouverture d’un nouveau front à l’Ouest afin de prendre les armées hitlériennes en tenaille. L’objectif final étant la prise de Berlin.


123- Avant d’aborder la fin de ce conflit, il convient peut-être de revenir sur le rôle de l’Italie. Nous avons déjà évoqué la politique impérialiste de Mussolini (notamment l’invasion de l’Ethiopie qui sera libérée en 1941 par les troupes anglaises appuyées pas des forces françaises libres.) Seulement, les velléités du dictateur ne s’arrêtèrent pas à cet objectif. Rappelons, en effet, que l’Allemagne et l’Italie avaient signé un traité (”l’Axe Rome-Berlin”), le 1er novembre 1936. Ce traité devint le pacte tripartite lorsque le Japon le rejoignit en 1937. Cette alliance explique la déclaration de guerre formulée à la France et au Royaume-Uni par l’Italie le 10 juin 1940 (en ce qui concerne la France, l’intervention italienne, limitée, il est vrai, cessera après l’armistice franco-italien signé le 24 juin 1940.) Trois ans plus tard, le 25 juillet 1943, Badoglio remplaça Mussolini, en tant que président du Conseil. Tout en feignant de poursuivre la guerre (afin, sans doute, de rassurer Hitler), il négocia secrètement avec les Alliés et finit par provoquer un renversement d’alliance en concluant un armistice avec eux le 8 septembre 1943. Aussitôt, Hitler envahit la péninsule qu’il occupa jusqu’à Naples avant de libérer Mussolini et de le remettre en place dans le Nord de l’Italie. C’est le 13 octobre 1943 que Badoglio va clarifier une situation pour le moins confuse en adressant une déclaration de guerre à l’Allemagne par l’intermédiaire de l’ambassade d’Italie sise à Madrid. Les Allemands étant en grande difficulté dans le Nord de l’Italie, les Italiens en profitèrent pour éliminer définitivement Mussolini : il sera exécuté le 28 avril 1945 avant que sa dépouille (et celle de sa compagne Clara Petacci) soit, pendue par les pieds, exposée à la vindicte de la foule Milanaise le 29 avril 1945. C’est ainsi, qu’enfin, l’Europe se débarrassa du fondateur du fascisme. Il en ira de même avec Hitler qui se suicidera dès le lendemain.


124- Conformément aux décisions prises lors de la conférence de Téhéran, et un mois seulement après la date prévue, les Alliés déclenchèrent l’opération Overlord. Bien qu’il ne soit pas possible, ici, d’entrer dans les détails, précisons, seulement, que les cinq plages de Normandie choisies le furent en raison de leur relative fragilité défensive. Ceci étant, et notamment lors de leur débarquement à Omaha Beach, les troupes américaines se heurtèrent à une redoutable résistance allemande qui persistera durant toute la bataille de Normandie (20 000 Normands trouvèrent la mort sous les bombardements alliés). Toutefois, la percée d’Avranches du 31 juillet 1944 (l’opération ”Cobra”) mettra un terme à une guerre d’usure si humainement coûteuse pour les belligérants. Trompé par l’opération ”Fortitude” (plan de désinformation et de diversion destiné à dissimuler aux Allemands le véritable lieu du débarquement) les Allemands furent pris au dépourvu et se trouvèrent donc dans l’impossibilité de s’opposer à un débarquement tant redouté pat Hitler. Orientée d’Ouest en Est (et du Sud vers le Nord, en raison d’un autre débarquement allié –l’opération ”Anvil Dragoon”- survenu en Provence le 15 août 44), la progression des Alliés (Paris sera libérée le 25 août 1944) ne sera freinée que lors d’une tentative désespérée des Allemands qui donnera lieu à une nouvelle bataille des Ardennes (Noël 1944). Seulement, en disposant de la totale maîtrise de l’air, les alliés anéantirent les divisions blindées allemandes. Dès lors, et en dépit de quelques revers, rien ne stoppera l’avance des Alliés lesquels, le 25 avril 1945, rejoindront les troupes soviétiques sur les rives de l’Elbe au milieu de l’Allemagne.


Capitulation de l'Allemagne.

125- Faisant suite à l’écrasement de l’Allemagne (Hitler se suicide dans son bunker le 30 avril 1945), sa capitulation sans condition va illustrer la future rivalité (d’où la ”guerre froide”) entre l’Est et l’Ouest. (Le pacte de Varsovie, conclu le 14 mai 1955, et l’OTAN, instaurée le 4 avril 1949,   en seront les traductions politico-militaires) Cette capitulation fut signée à Reims dans la nuit du 6 au 7 mai par le général allemand Jodl (qui, plus tard, sera condamné à mort par décision du Tribunal de Nuremberg pour crimes de guerre), le général américain Eisenhower et le général soviétique Sousloparov. De son coté, le général français Sevez sera invité à contresigner le texte mais au seul titre de témoin. Ce rôle subalterne imposé au français suscitera la colère du général de Gaule. Toutefois, et indépendamment de ce mouvement d’humeur, ce texte signé à Reims provoqua également la fureur de Staline. Pour lui, en effet, la capitulation de l’Allemagne devait être signée à Berlin où les soldats de l’Armée rouge régnaient en maîtres. L’exigence de Staline fut honorée dès le lendemain (le 8 mai) dans une villa de Karlshorst, quartier général du maréchal Joukov. Concernant les Soviétiques et leurs alliés est-européens, et pour des raisons liées au décalage horaire, cette capitulation fut signée le 9 mai (et non le 8, pour les occidentaux.) De ce fait, les Soviétiques, et leurs alliés, commémorent cette capitulation le 9 mai, sous le nom de ”Jour de la Victoire”. C’est en tout cas le 9 mai que, les hostilités ayant cessés, la deuxième guerre mondiale prit fin en Europe. Il faudra, cependant, attendre la capitulation officielle du Japon (le 2 septembre 1945) pour que cette guerre cesse totalement.


126- Nous avons précédemment évoqué l’expansionnisme nippon en Asie du Sud-Est et, surtout, le bombardement de la base américaine de Pearl Harbor (7 décembre 1941) qui a provoqué l’entrée en guerre des Etats-Unis. Aussi, et dès l’année 1942, l’armée américaine, avec ses alliés, va reprendre, une à une, les îles conquises par les Japonais dans le Pacifique. Toutefois, et bien que les Japonais ne cessent d’être battus (de ce point de vue, la bataille de Midway est des plus emblématique), les pertes américaines deviennent extrêmement préoccupantes pour le Président Roosevelt et son successeur Truman. De fait, cette guerre est très rapidement devenue un affrontement entre deux haines : ”celle des jaunes contre celle des blancs”. Par ailleurs, le fanatisme nippon était alimenté, d’une part, par le code du bushido (la voie du samouraï) et, d’autre part, par la politique des ”trois tout” : « Tue tout, brûle tout, pille tout ! » Notons qu’il manque un quatrième tout (que l’on se souvienne de Nankin) : « viole tout ! » Bien qu’il ne soit pas possible, ici, d’évoquer les racines historico-philosophiques du terme ”samouraï”, précisons tout de même que l’on peut le résumer ainsi : « savoir recevoir et donner la mort ! » Admettons qu’en matière d’idéal, on peut faire mieux...


127- Si le Japon avait été un pays ”raisonnable”, il aurait accepté l’ultimatum qui lui fut adressé, dans le cadre de la conférence de Postdam. (Organisée du 17 juillet au 2 août 1945, cette conférence fit suite à celle de Yalta -février 1945- dont le but essentiel était de mettre fin à la guerre et de fixer le sort des nations ennemies.) Signifié au nom des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la Chine, cet ultimatum, sommait l’Etat nippon de se rendre sans condition sous peine d’une destruction totale et rapide. Toutefois, au lieu d’obtempérer, le Premier ministre de ce pays, Kantaro Suzuki, opposa une fin de non recevoir. Face à ce refus, les Etats-Unis envisagèrent alors l’invasion du Japon. Seulement, et compte tenu des vertus guerrières de ce peuple, une question se posa aux Américains : quel serait le coût humain d’un tel projet ? Exorbitant ! Selon les militaires qui déposèrent sur le bureau de Truman une simulation des plus alarmante : entre un et deux millions de morts ! (Cette estimation fut considérée comme très exagérée par beaucoup d’historiens.) Ceci étant, le président Truman fut confronté à un dilemme : devait-il risquer la vie de très nombreux américains ou recourir à une arme nouvelle mise au point par les Etats-Unis : la bombe atomique, issue du Projet Manhattan ? Des plus cruciale, cette question fut l’objet d’interminables polémiques issues pour une grande partie du rapport Franck qui recommandait de ne pas utiliser la bombe atomique pour précipiter la reddition du Japon. En effet, beaucoup d’historiens affirment que le Japon était, militairement et économiquement exsangue et que, par conséquent, sa capitulation était inévitable d’autant que le 8 août, l’URSS lui avait déclaré la guerre afin de libérer la Mandchourie, conformément à ses engagements pris lors des conférences de Téhéran et de Yalta. Toutefois, un extrait du journal de guerre du quartier général impérial ne laisse subsister aucun doute quant à la détermination de la clique de militaires qui dirigeait le pays : « Nous ne pouvons plus mener la guerre avec quelque espoir de succès. La seule option qui reste est que les cent millions d’habitants du Japon (chiffre surestimé) sacrifient leur vie en chargeant l’ennemi afin de lui faire perdre la volonté de combattre. » Dans ce contexte pour le moins cornélien, une question reste en suspend : le bombardement atomique d’Hiroshima (le 6 août 45) et celui de Nagasaki (le 9 août) furent-ils véritablement nécessaires ? En raison des enjeux géopolitiques de l’époque (notamment la rivalité naissante entre l’Est et l’Ouest) répondre objectivement à une telle question est quasiment impossible. En effet, et bien que les pertes civiles furent conséquentes (70 000 morts à Hiroshima et plus de 40 000 à Nagasaki) elles restèrent bien en dessous de celles subies, à la suite de bombardements ”conventionnels”, par la ville de Dresde : 300 000 morts, ou celles de Tokyo : 100 000. Bien au-delà du seul registre militaire, le recours à une telle arme sollicita bien davantage la responsabilité du Président Truman face à l’humanité. D’ailleurs, son discours prononcé le 9 août 1945 ne sonne-t-il pas comme une justification ? : « Nous nous en sommes servis (la bombe atomique) contre ceux qui nous ont attaqués sans avertissement à Pearl Harbor, contre ceux qui ont affamé, battu et exécuté des prisonniers de guerre américains (...) Nous l’avons utilisée pour raccourcir l’agonie de la guerre, pour sauver des milliers et des milliers de vies de jeunes américains. Nous allons continuer à l’utiliser jusqu’à ce que nous ayons complètement détruit la capacité du Japon à faire la guerre. Seule une capitulation japonaise nous arrêtera » Certes ! Mais, peut-être, n’eut-il pas tord...


128- En tout cas, le but recherché fut atteint car les Japonais finirent par comprendre (bien tardivement, il est vrai) que leur bushido était de peu de secours face à une arme capable d’anéantir leur pays. Aussi, ce fut la mort dans l’âme qu’ils se résolurent à capituler : « J’avale mes larmes, a déclaré l’empereur Hirohito, et donne ma sanction à la proposition d’accepter la proclamation des Alliés sur la base définie par le ministre des Affaires étrangères. » C’est ainsi que le fanatisme et le nationalisme nippon s’inclinèrent face à un ennemi des plus redoutable : la technologie !


129- Mettant ainsi un terme définitif à la deuxième guerre mondiale, la cérémonie de capitulation du Japon eut lieu le 2 septembre 1945 dans la baie de Tokyo à bord du cuirassé américain : USS Missouri. (Notons, cependant, que la fin officielle de la guerre entre le Japon et les Etats-Unis ne surviendra que le 28 avril 1952 à la suite de la signature du traité de San Francisco.) Pour des raisons éminemment diplomatiques, l’empereur Hirohito ne fut pas destitué comme, d’ailleurs, ne furent pas inquiétés certains membres de sa famille pourtant impliqués dans les nombreux crimes de guerre imputables au Japon. Grandeur et décadence de la politique... Ceci étant, la paix fut-elle véritablement acquise ? Hélas, non ! Plus pernicieuse, une nouvelle guerre va surgir : la guerre froide qui va opposer l’Est et l’Ouest bien qu’aucune confrontation directe n’ait eu lieu (à l’exception, peut-être de la crise des missiles de Cuba survenue du 16 au 28 octobre 1962.


130- La deuxième guerre mondiale (qui provoqua la mort de plus de 60 000 000 d’êtres humains, pour la plupart civils) est donc enfin terminée. Aussi, le moment est venu de nous demander ce que nous pouvons en penser. Au niveau de l’histoire de l’Humanité, un terme s’impose ; régression ! Régression de toutes les valeurs humaines patiemment élaborées au fil des siècles. Que sont devenues les espérances en un monde meilleur formulées par les ”Lumières” du XVIIIème siècle ! Que sont devenues les Conventions de Genève (notamment celle de 1906 qui fixa les règles afférentes à la protection des prisonniers de guerre) ? Qu’est devenue la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 ? En fait, qu’est devenu l’Homme ? Cette guerre marqua le retour à la barbarie. Non pas à la barbarie ponctuelle qui accompagne toujours les guerres dont le but consiste à tuer, tuer et tuer encore ! « Notre force tient à notre rapidité et à notre brutalité. (...) déclara Hitler lors de la campagne de Pologne, L’objectif de la guerre ne sera pas d’atteindre une ligne donnée, mais d’anéantir physiquement l’adversaire. C’est pourquoi j’ai disposé (...) mes unités à tête de mort ; elles ont reçu l’ordre de mettre à mort sans merci et sans pitié beaucoup d’hommes, de femmes et d’enfants d’ascendance et de langue polonaise. C’est la seule manière pour nous de conquérir l’espace vital dont nous avons besoin. » L’objectif est clair, réfléchi et sans aucune ambiguïté : il ne suffit plus de vaincre ! Non ! il faut exterminer ! On ne tue plus seulement pour conquérir des territoires mais pour éradiquer définitivement ceux qui ont le malheur d’être différents (les handicapés, les Tziganes et, surtout les juifs sous la dictature nazie) , de ceux qui prétendent avoir le droit de penser différemment (les ennemis politiques de Mussolini et ceux de Staline) Finalement qui triompha sinon les nationalismes, les idéologies et le racisme ! Non pas le racisme ordinaire qui se contente de s’enraciner dans la haine de l’autre mais un racisme planifié, industrialisé, peut-on même dire, comme l’atteste la conférence de Wannsee (janvier 1942) qui planifia la ”solution finale” responsable de l’extermination de millions de juifs. Alors, quels mots peut-on évoquer pour qualifier ce conflit qui ne concerna pas seulement des nations mais l’humanité entière ? Oui, quels mots ?


Chère lectrice, cher lecteur (surtout si vous êtes jeunes) ayez conscience de votre chance de vivre en paix. De votre chance de ne pas avoir connu ce qu’il y a de pire dans la folie des hommes. Ayez donc un peu de mansuétude et de reconnaissance pour notre Europe d’aujourd’hui. Laquelle, et même si elle est loin d’être parfaite a, au moins, le mérite de vous préserver de la guerre et, peut-être, vous permettre d’accéder au bonheur...


Avec mes sincères remerciements à Mademoiselle Béatrice Bouvier pour ses conseils éclairés et tous mes remerciements à Monsieur Christian Duvielbourg qui gère ce site avec amitié et talent.


P. Perrin



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